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protestation. On en était donc toujours à la formule de lord Kimberley : « la question restait ouverte au débat. » Seulement, chaque partie se gardait, en vue de la négociation qu’on sentait prochaine.

Dans la partie technique de la lettre qui vient d’être citée, le ministre français n’avait pas manqué de se référer à ces négociations de 1894 dont le souvenir planait sur tout le développement ultérieur, et où la question du Haut Nil avait été traitée une première fois, entre les deux gouvernemens.

La Convention de juin 1898 était une étape ; mais ce n’était qu’une étape. L’affaire du Nil apparaissait maintenant isolée sur le champ débarrassé de tout autre obstacle.

Marchand avait franchi les plus rudes passes de son formidable voyage et se hâtait vers Fachoda. Kitchener venait de remporter (8 avril), sur les Derviches, la première victoire décisive, celle de l’Atbara. Les prévisions étaient, dès lors, favorables à un succès définitif des forces anglo-égyptiennes. On écrivait, à cette date : « La chute définitive du mahdisme n’est plus qu’une question de semaines : la crue du Nil, en juillet, en donnera probablement le signal[1]. »

On avait encore le temps de traiter. Mais il fallait traiter tout de suite.


Cet effort diplomatique, qui devait être l’effort suprême, l’abordait-on sans préparation et sans autre moyen d’action que la mission Marchand ?… On s’était trouvé, en somme, en présence de deux hypothèses : ou bien l’insuccès de la campagne anglo-égyptienne et, pendant longtemps, on avait pu garder des doutes à ce sujet ; les sacrifices faits par l’Angleterre pour la construction du chemin de fer et, en général, les dépenses énormes de l’expédition avaient pu seules l’emporter sur la résistance des lieux et des hommes ; ou bien le succès de l’expédition, et la présence, dans la région du Bahr-El-Ghazal, d’une force telle que, selon le principe posé : « à chacun selon ses œuvres, » on devrait s’incliner. Cela, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’avaient fait, à diverses reprises, sans déshonneur ni péril public. Mais, de toutes façons, un jour ou l’autre, il fallait en venir à négocier.

  1. Bulletin de l’Afrique française, mai 1898, p. 164.