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Les ouvertures, assez vagues d’ailleurs, de lord Salisbury ne furent relevées que près d’un mois plus tard, dans un entretien que le baron de Courcel eut avec le noble lord, le 5 octobre. Pendant ce temps, l’opinion publique, des deux côtés de la Manche, était arrivée au maximum de tension. Les journaux impérialistes incriminaient d’avance, « les finasseries et les défaillances diplomatiques » du vieux lord. En France, le ton de la presse n’était pas plus mesuré : un organe important publiait en vedette un article presque comminatoire qui passait pour inspiré.

La tâche des conciliateurs était presque impossible. La conversation du premier ministre anglais et de l’ambassadeur français n’en est que plus digne d’attention : M. de Courcel, autorisé, certainement, par ses instructions, se décide à jeter du lest. Il ne mentionne que pour mémoire la polémique au sujet des droits de l’Egypte : « Il est naturel que si vous nous parlez, aujourd’hui, au nom de l’Egypte, nous vous demandions en vertu de quel mandat vous le faites et en quoi votre titre serait meilleur que le nôtre[1] ? » Il laissa dire, par lord Salisbury, que la mission Marchand était une mission mystérieuse, clandestine, dont rien n’avait transpiré, — quand les actes qui la concernaient, et les principales étapes de sa marche avaient été publiés, quand un débat avait eu lieu à ce sujet, devant la Chambre des députés à propos du budget des Affaires étrangères, le 7 février ; il n’invoque même pas les termes si prudens des deuxièmes instructions que le capitaine avait reçues par l’intermédiaire de M. Liotard et qui eussent suffi pour établir que la mission n’était, à aucun titre, une expédition. Puisqu’on ne voulait considérer que la question de fait, il accepte le fait : « Comme lord Salisbury déclinait d’entrer en discussion sur le fond des questions, je lui dis qu’il fallait cependant trouver une issue à la situation actuelle et que l’évacuation de Fachoda, si bruyamment réclamée par les journaux anglais, ne serait pas une issue… Où se limiteraient les

  1. M. de Courcel revient sur ce passage de l’entretien dans sa lettre du 10 octobre : « Pour en revenir aux argumens tirés des droits de l’Egypte et du caractère de général égyptien revêtu par sir Herbert Kitchener, j’ai demandé à lord Salisbury comment il se faisait qu’ils nous fussent opposés, non par un ministre égyptien ou un représentant de la souveraineté du Sultan, mais par le premier ministre d’Angleterre discutant avec l’ambassadeur de France. »