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le but de son gouvernement était d’avoir un débouché vers le Nil pour les territoires de l’Oubanghi et il demanda une délimitation territoriale qui mettrait la France dans la portion navigable du Bahr-El-Ghazal, de façon qu’aucune frontière ne barrât le passage à son commerce du côté du Nil… L’extrême généralité de son langage et le caractère oratoire qu’il lui imprimait, par suite de la grande ardeur avec laquelle il traitait son sujet, m’ont mis dans l’impossibilité de formuler une opinion précise sur les différentes propositions qu’il semblait désirer me présenter. J’ai pensé qu’il valait mieux que ces propositions nous fussent soumises soit à moi, soit à Votre Excellence, sous une forme plus précise et plus tangible que d’entreprendre une discussion qui, dans ces circonstances, aurait pu être fertile en fausses interprétations… »

On peut dire que la négociation finit là. M. de Courcel part pour Paris.

Lord Salisbury, tenu en haleine et en respect par la presse, par les violens et, en particulier, par l’intervention très vive de lord Rosebery[1], se laissait emporter au courant. Il n’était plus le maître[2]. S’il regrettait ce qu’il y avait de fâcheux dans la substitution de l’esprit d’intransigeance à l’esprit de conciliation, il n’avait plus, pour le soutenir, que quelques rares organes de l’opinion ou personnalités politiques : le Daily News, qui, fidèle au vieil esprit libéral, réclamait « qu’on prît en considération les ambitions légitimes de la France, » lord Fitzmaurice, qui proposait encore qu’on laissât, du moins provisoirement, à la France les postes effectivement occupés par la mission. Marchand ;

  1. Discours prononcé à Surrey, le 12 octobre.
  2. Rien de plus curieux, à ce point de vue, qu’un incident qui, dans la tempête, a passé inaperçu. La publication, en France, vers le milieu d’octobre, du Livre Jaune où se trouvaient reproduits les entretiens concilians de lord Salisbury et de M. de Courcel, produisit un tel effet, à Londres, que le gouvernement anglais dut faire paraître, en toute hâte, un Livre Bleu où ces mêmes entretiens étaient présentés sous un tout autre aspect. M. Ritchie, ministre du Commerce, fait allusion à cet incident dans un discours prononcé le 26 octobre : « La presse et le public ont témoigné d’une façon irrécusable que le gouvernement a pris la position convenable et qu’il ne doit pas reculer. Le gouvernement n’a aucune intention d’abandonner cette position ; s’il y renonçait, il ne conserverait pas longtemps la confiance du pays… Je ne doute pas qu’un grand nombre de personnes n’aient lu le Livre Jaune avec quelque appréhension que le gouvernement cédait, à un degré quelconque, et abandonnait la position qu’il avait prise. Mais nous avons pu donner la suite dans le Livre Bleu, qui a complètement modifié la soi-disant « négociation » entre l’ambassadeur français et lord Salisbury. »