Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

profit d’un Aryen ou Européen qui formerait par hypothèse l’élite agissante et pensante au sein de toutes les nations civilisées du globe, mais au profit du Germain de l’ère chrétienne, et surtout de l’actuel citoyen de l’Empire allemand.

Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les écrits de ses innombrables commentateurs ou continuateurs[1], et, par exemple, l’opuscule si caractéristique de M. Georg Fuchs, Der Kaiser, die Kultur und die Kunst[2], qui est une application des idées de M. H. S. Chamberlain à la politique allemande contemporaine : application qu’on croirait parfois sortie de sa propre plume, tant elle reproduit ses façons de penser et jusqu’à ses habitudes de style. L’empereur Guillaume II y apparaît comme une sorte de Messie de la religion germaniste nouvelle. Ce souverain, à l’esprit si ouvert et si actif, n’a-t-il pas marqué pendant quelque temps une sympathie visible[3], et même palpable[4], au penseur anglais, naturalisé allemand par la qualité de sa culture intellectuelle, qui avait si parfaitement traduit les aspirations élevées de l’impérialisme teutonique ? Depuis que nous avons eu occasion d’examiner sa doctrine, M. H. S. Chamberlain n’a pas beaucoup ajouté de sa propre main au monument dont il avait tracé le plan dans les Assises du XIXe siècle. Un gros volume sur Kant et ses précurseurs, où la question des races n’est nulle part abordée, où le mysticisme esthétique du romantisme trouve seul son expression n’a pas eu chez nos voisins le même retentissement que son aîné[5]. Mais celui-là du moins continue d’agir sur les esprits et de susciter autour de lui les polémiques ou les apologies : il a sa place marquée dans l’histoire de la pensée européenne.

À côté de M. H. S. Chamberlain, cet astre de première grandeur, une étoile de dimension plus modeste a, depuis notre étude de 1903, commencé de poindre au firmament du germanisme : elle y brilla quelques momens d’un assez vif éclat, fixa

  1. Citons entre autres le Volkstum und Wettmacht de A. Wirlh, Munich, 1004. — Das Germanentum und sein Verfall de Engelmann, Stuttgart, 1903, les plus récentes éditions du Reines Deutschtum de F. Lange, etc.
  2. Munich, 1904. Étudié par nous dans le Journal des Débats du 17 août 1904.
  3. Nous avons cité jadis les discours de l’Empereur qui reflétaient, les doctrines des Assises du XIXe siècle.
  4. Une somme de 10 000 marks a été consacrée par Guillaume II à la diffusion du livre de M. H. S. Chamberlain.
  5. Ce dernier ouvrage de M. H. S. Chamberlain est intitulé Immanuel Kant, 1905.