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enseignemens de ces deux Français, Gobineau et Lapouge, qui étaient si loin de soupçonner les conséquences prochaines de leur sincère effort intellectuel. M. Reimer parle couramment de l’Empire germanique universel de nation française que les deux Napoléons ont tenté de créer par les armes au cours du XIXe siècle. Il entend par-là que l’élément germanique, seul actif et créateur au sein de notre nation, fut par deux fois très près de s’élever, sous une étiquette française, à l’hégémonie du monde civilisé. Toutefois Sedan, après Waterloo, a montré que la France n’était pas plus que l’Autriche prédestinée à l’accomplissement d’une tâche si haute et qu’en ce peuple aussi l’énergie de la race souveraine était trop affaiblie désormais.

La Prusse, la plus germanique des nations continentales, ayant triomphé en 1866 et 1870 de ses rivales séculaires, reste seule désignée maintenant pour réaliser, sous le sceptre des Hohenzollern, l’union germaniste de l’Europe centrale. M. Reimer ne cache pas qu’une guerre prochaine contre la France lui semble nécessaire afin de désarmer entièrement un pays dont la faillite morale est définitive à ses yeux, et d’assurer le flanc de la Prusse impériale, bientôt absorbée par des soucis plus essentiels à sa mission. Cette voix s’ajoute à d’autres mieux autorisées pour nous avertir de redoubler de prudence en vue des éventualités de demain. Caveant Consules !

Ses voisins du Sud et de l’Ouest une fois écartés de son chemin, la Prusse, messie du Pangermanisme, doit compter encore avec une force redoutable issue de son propre sein, avec la Démocratie socialiste, et les écrits de M. Reimer (tous antérieurs aux élections de l’hiver 1907) sont plutôt disposés à exagérer qu’à atténuer l’importance de cette force morale. Il est bien curieux d’observer à ce propos l’évolution qui s’est accomplie depuis peu dans les sentimens de l’impérialisme de race à l’égard de son concurrent moderne, l’impérialisme de classe. Gobineau, légitimiste et catholique d’origine, de tout temps aristocrate et presque féodal par ses goûts, n’éprouva jamais que répulsion aveugle à l’égard de la démocratie de son temps, et M. Houston Stewart Chamberlain s’est le plus souvent associé sur ce point aux sentimens de son précurseur ; car le socialisme, sous sa forme actuelle, lui paraît issu du judaïsme ou des convulsions anarchiques de la latinité dégénérée. M. de Lapouge est parfois d’une tout autre opinion. Il a reconnu la force de