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historique et même de la lutte actuelle des classes. Le marxisme, au lieu de la méthode expérimentale, se contente de la spéculation abstraite jointe à l’empirisme révolutionnaire.

Enfin, le maintien systématique de l’état de guerre entre les classes est aussi contraire à l’évolution progressive des sociétés que le maintien systématique de l’état de guerre entre les nations. La grève, érigée en procédé général et presque constant par les syndicalistes émeutiers, est le retour volontaire à la barbarie dans les relations économiques. Le sabotage, procédé lâche de guerre, diminue la production générale en même temps que les bénéfices particuliers du patron ; il diminue par cela même la prospérité de l’industrie, il diminue le fonds des salaires. L’ouvrier, qui prétend se rendre par-là utile à ses pareils, ne s’aperçoit pas que c’est toute la classe ouvrière qui finit par en souffrir. A Fougères, les ouvriers, — bretons bretonnans, — ont montré naguère une telle obstination à demander l’impossible et à saboter l’ouvrage, que de grands fabricans de chaussures ont émigré dans les localités voisines et que d’autres se préparent à en faire autant. Pour attirer ces derniers, les municipalités environnantes n’ont offert rien moins que le remboursement des frais d’installation et une détaxe de dix ans. Toute extension du marché industriel est, pour les patrons, une source de profits pour les ouvriers, une source de salaires ; toute restriction du même marché est à la fois ruineuse pour tes patrons et pour les ouvriers : voilà le principe d’où il faut partir et que méconnaissent les révolutionnaires. En outre, l’industrie d’un pays ne peut être florissante que par le renouvellement perpétuel de l’outillage ; c’est une nécessité due aux progrès de plus en plus rapides de la science et de la technique. Mais comment les capitaux se résoudront-ils aux risques de ce renouvellement, si on entretient une atmosphère d’insécurité et d’inquiétude, sous la menace perpétuelle de la grève générale ou partielle, du pillage, du sabotage et du boycottage ? S’excusera-t-on en disant que tous ces procédés ont pour but la hausse des salaires ? On oublie que toute hausse artificielle, en diminuant d’un seul coup et dans de vastes proportions les bénéfices des entreprises, arrête ou diminue les entreprises elles-mêmes, qui ne trouvent plus les capitaux nécessaires pour s’alimenter et progresser. Sans un espoir quelconque de bénéfice, — accompagné toujours des risques de perte, — nul ne