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LE PROLOGUE D’UNE VIE D’IMPÉRATRICE[1]

Dans ses Souvenirs, Mme Vigée-Lebrun raconte qu’en 1795, se trouvant à Saint-Pétersbourg, où l’avait appelée l’impératrice Catherine, elle traversait un jour le parc du palais de la Tauride, résidence impériale, lorsque, à la fenêtre d’un rez-de-chaussée, elle aperçut une jeune personne qui arrosait un pot d’œillets. En termes enthousiastes, elle la dépeint dans la grâce de sa jeunesse, qui s’embellit de traits réguliers et fins, de la douceur angélique du visage qu’encadrent des cheveux blond cendré, flottant sur le front et sur le cou, et d’une tunique blanche, attachée par une ceinture nouée négligemment autour d’une taille de nymphe. « Elle se détachait sur le fond de son appartement orné de colonnes et drapé en gaze rose et argent, d’une manière si ravissante que je m’écriai : « C’est Psyché ! »

La délicieuse créature qui excitait ainsi l’admiration de Mme Vigée-Lebrun appartenait, par sa naissance, à la famille régnante de Bade, et, par son mariage, à la famille impériale de Russie, ayant épousé, dix-huit mois avant, le grand-duc Alexandre Paulowitch, petit-fils de Catherine. En se mariant, et conformément aux usages de la Cour moscovite, elle avait abjuré la religion luthérienne dans laquelle elle était née, pour embrasser la religion orthodoxe et recevoir, avec un nouveau baptême, un nouveau nom. Connue, jusqu’à son abjuration, sous celui de princesse Louise de Bade, elle était maintenant la grande-duchesse Elisabeth Alexiéievna. Elle avait dix-sept ans et son mari dix-neuf.

  1. L’Impératrice Elisabeth, épouse d’Alexandre Ier, par le grand-duc Nicolas Mikailovitch, 1er volume, grand in-8o, orné de 29 planches, Saint-Pétersbourg, Manufacture des papiers de l’État, 1908.