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ne sont pas de son ressort. L’effort de l’éducateur consiste d’abord à développer systématiquement cette tendance naturelle. Il faut faire toucher à l’aveugle le plus d’objets possible, et surtout lui faire palper le plus possible des objets que les hommes connaissent d’ordinaire par la vue, les gros animaux, les outils de tout genre, etc. On lui met entre les mains autant qu’on le peut des objets de grandeur naturelle ; à leur défaut, on se contente de miniatures. Et ainsi à des représentations pauvres, toujours tronquées, bien souvent à peu près réduites à un mot, se trouvent substituées des images concrètes et précises. Les leçons de choses sont pour l’enfant aveugle très particulièrement nécessaires.

Mais l’office principal de cette pédagogie par le toucher est de substituer aux instrumens visuels qui servent ordinairement aux études et à la transmission de la pensée, des instrumens tactiles. Les cartes de géographie planes sont remplacées par des cartes en relief ; les figures géométriques sont également tracées en relief, etc. De tous les exercices la lecture est celui qui profite le plus à l’intelligence ; aussi la lecture par le toucher est-elle la principale de toutes ces adaptations. Elle a réalisé depuis cent vingt-cinq ans des progrès considérables. Valentin Haüy se contentait de faire tracer en relief les caractères de l’alphabet vulgaire. Mais ces caractères sont composés de lignes, et la ligne, aisément perceptible à l’œil, n’est sentie que lentement par le doigt ; aussi l’écriture et la lecture étaient si lentes qu’elles rendaient fort peu de services. On eut alors l’idée de substituer au système de signes emprunté aux clairvoyans, un système tout différent, adapté aux conditions spéciales de la sensibilité tactile. A la ligne succéda le point que le doigt perçoit beaucoup plus aisément, et l’on eut le procédé de Braille, dans lequel chaque caractère est représenté par un nombre de points au plus égal à six. La lecture dès lors devint courante, moins courante assurément que la lecture par les yeux, assez rapide cependant pour être supportable à voix haute, et très agréable à voix basse.

Mais l’impression des livres est coûteuse, et la demande insuffisante pour couvrir les frais. On ne pouvait guère imprimer que les livres essentiels, ceux qui étaient nécessaires aux aveugles pour leur instruction et pour l’exercice de leurs professions. Les bienfaits de la lecture par le toucher restaient par suite encore