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crûmes avec lui, que l’Italie et l’Autriche convertiraient sans se faire prier les lettres de 1869 en un traité d’alliance offensive et défensive. Notre second point de départ fut donc que nous pouvions compter sur ces deux alliés.


VII

Alors Gramont lut sa déclaration. Quelques corrections purement grammaticales furent faites à la première partie. Puis, nous fûmes tous d’accord à reconnaître que la dernière phrase était trop elliptique et trop étriquée et qu’il fallait la rendre plus vigoureuse. L’Empereur proposa cette formule : « écarter un projet qui dérangerait à notre détriment l’équilibre actuel des forces de l’Europe et mettrait en péril tous les intérêts et l’honneur de la France. » Cette phrase ne parut pas encore suffisante, je pris la plume et, attentif aux propositions et aux critiques de chacun, je cherchai, en quelque sorte sous la dictée commune, une forme meilleure. Ce travail, qui fut minutieux et très débattu, et auquel je pris la part principale, surtout dans la dernière phrase, nous amena à la rédaction définitive. Le texte arrêté fut relu deux fois de suite par moi, après quoi, il fut mis aux voix nominativement et adopté à l’unanimité. Il n’est pas vrai que Gramont ait apporté un texte violent que nous avons adouci : c’est nous qui avons donné plus de relief et plus d’accent au texte un peu pâle qu’il avait préparé. On ne doit donc pas dire de la déclaration du 6 juillet « la déclaration de Gramont ; » c’est la déclaration de l’Empereur et du Cabinet autant que la sienne, et si le fait d’en avoir eu l’idée et d’en avoir rédigé les parties principales en crée la paternité, c’est à moi qu’elle appartient. Je ne le dis pas pour enlever à Gramont le mérite exclusif d’un acte que je considère comme méritoire, mais parce que, en le lui attribuant, on peut y voir un ressentiment de Sadowa, arrière-pensée qu’on ne peut pas me supposer.

Pendant que je faisais ma seconde lecture, l’Empereur passa à Gramont, assis à ma droite, la note suivante : « Je crois utile d’envoyer en chiffres à Fleury ce simple télégramme : « Prévenez le prince Gortchakof que si la Prusse insiste pour l’avènement du prince de Hohenzollern au trône d’Espagne, ce sera la guerre. » La lecture terminée, Gramont mit la note sous mes yeux. L’Empereur, auprès de qui j’étais assis, s’en aperçut. Il se