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du moins de Fromentin jeune. Il la chante en vers et en prose. Voyez ces vers de la vingt-et-unième année, intitulés : Le temps s’écoute :


Si, par un de ces jours de septembre où l’on doute
Que l’air ait une haleine et les champs des échos,
La barque un aviron pour secouer les flots,
Le ciel un astre en feu pour éclairer sa voûte ;

Jour morne et qui succède à de beaux jours sans doute ;
Si vous parlez au pâtre : en gardant ses troupeaux,
Le naïf astrologue, alors, vous dit ces mots
« Que la brise est au calme et que le temps s’écoute. »

Mot profond, qui veut dire apparemment qu’après
Avoir, pendant l’été, du rivage aux forêts
En mille et mille ardeurs éparpillé sa sève,

Prise enfin de regret, de fatigue et d’ennui,
Comme un cœur amoureux que l’espérance a fui,
La nature un moment se tait, médite et rêve.


Et ailleurs, il écrit, dans une lettre à un ami : «… La saison est absurde. Je n’ai jamais eu de goût pour le printemps. Je compte un ou deux printemps à peine qui sont marqués par des souvenirs très doux et me seront éternellement chers. Mais il faut avoir seize ans pour trouver du charme à cette saison douteuse de vert tendre et de bleu pâle, toujours indécise entre le soleil et la pluie, comme l’inconstante humeur d’une jeune fille entre le sourire et les larmes… L’automne a je ne sais quoi de grave et de magnifique qui prête aux lieux les plus ingrats un charme extraordinaire, le charme du regret, la réverbération sereine du soleil qui s’en va ; le printemps laisse à toute chose sa plate, son indigente réalité. »

A une autre date et à la même saison : « Je touche au soir de ma jeunesse, mon ami ; je m’en aperçois, comme je vous le disais tout à l’heure, à la longueur des ombres, croissante. C’est la saison, vous le savez, où il se fait en moi un grand calme, où j’ai l’âme sonore comme l’air d’un soir humide, les sens reposés, le cœur paisible, un peu couvert ; les éclairs qui le traversent de temps en temps sont des éclairs d’automne qui n’amènent point d’orage. En ce moment, je ne sais pourquoi, j’ai les larmes aux yeux et je sens monter doucement un soupir de