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l’exploitation du pays conquis et à leur donner les solutions pratiques qu’elles comportent. Quant à la politique d’assimilation, elle ne pouvait réussir.

Notre erreur fut d’avoir voulu imposer nos goûts, nos mœurs, nos lois, nos habitudes d’esprit à une race qui a, de la famille, de la société, de la propriété, des conceptions différentes des nôtres, et d’avoir cru qu’il suffisait d’étendre les institutions françaises aux indigènes pour en faire des Français, comme si l’on pouvait couler tous les esprits dans le même moule, incliner tous les peuples sous les mêmes lois, imposer les mêmes règles à des Français et à des Africains, à des sédentaires et à des nomades. Avec notre tendance à tout généraliser, nous avons cherché à réaliser partout l’uniformité et la symétrie. Nous avons eu même la prétention de leur faire parcourir tout d’un coup le chemin qui sépare le Coran de nos codes. Mais les mœurs ne se modifient pas du jour au lendemain, surtout lorsque les coutumes civiles et religieuses sont intimement liées les unes aux autres, et il ne faut donner à un sol que la semence qui lui convient.

Mais si la politique de domination est un anachronisme qui n’a plus de partisans aujourd’hui, si la politique d’assimilation est une utopie, il ne s’ensuit pas qu’il n’y ait pas d’autre politique à adopter vis-à-vis des indigènes. Jadis, au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, nous avions montré qu’on pouvait s’y prendre autrement avec eux. Au Canada, aux Indes notamment, le principe fondamental de notre politique coloniale était alors le respect scrupuleux des mœurs, des traditions, des croyances, le maintien des institutions économiques et sociales des peuples soumis et protégés. Nous avions su adapter notre administration aux conditions si diverses des milieux, des climats et des races. Nos fonctionnaires avaient appris à s’accommoder des habitudes et des mœurs des populations placées sous leur autorité et ne cherchaient pas à imposer à ces populations nos habitudes et nos goûts. Cette manière d’agir, c’est ce qu’on appelle la politique indigène qui consiste à se mesurer avec la complexité des problèmes que soulève la diversité des races et des civilisations différentes, à faire entrer les indigènes dans la voie du progrès, en s’inspirant de leurs mœurs et de leur caractère et, en un mot, à les faire évoluer eux-mêmes non pas dans notre civilisation, mais dans la leur.