Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indigènes fournissent à certaines communes de plein exercice les neuf dixièmes de leur budget, et l’on a entendu déclarer officiellement par le gouvernement général qu’il serait généralement impossible de constituer, sans l’adjonction des douars, des communes offrant des conditions de prospérité. Et cependant, l’on voit le centre européen absorber presque toujours pour ses besoins factices ou réels les ressources du budget, tandis que les annexes indigènes sont négligées, que les fontaines, les abreuvoirs, les chemins ne sont pas entretenus, que les travaux de petite vicinalité les plus nécessaires ne sont pas exécutés. Même des municipalités se sont emparées, pour les aliéner à leur profit, des biens que le sénatus-consulte de 1863 avait reconnus en propre aux douars.

Quant aux communes mixtes qui renferment le plus grand nombre des indigènes du territoire civil, soit 2 607 000 et seulement 50 000 colons, elles ont bien une commission municipale où la majorité appartient à des caïds ou à des adjoints indigènes et où les colons ne forment qu’une minorité. Mais qu’on ne croie pas que les indigènes aient une part plus effective dans l’administration. Si les indigènes ont la majorité, les colons ont l’influence. Ceux-ci sont nommés librement à l’élection par leurs concitoyens, ceux-là sont choisis par le pouvoir central. Ils sont entièrement à la dévotion de l’administrateur civil qui, à côté des fonctions de maire, exerce une action politique, surveille les populations arabe et kabyle et dirige les différens services des finances, de l’instruction publique et des travaux publics. Dans ces conditions, la commune mixte n’est que la parodie de notre régime municipal, dont un bon observateur, qui a passé par leur administration, a pu dire en 1897 : « La Commission municipale n’a rien de municipal ; le budget n’a rien d’un budget communal ; le fonctionnement ne ressemble en rien à celui d’une organisation municipale ; personne n’y est dans son rôle. » Un autre administrateur a décrit ainsi ce que deviennent alors les séances du Conseil. Les colons se mettent d’un côté de la salle et les indigènes se rangent de l’autre : les colons ne savent pas l’arabe, les indigènes ne savent pas le français. Un interprète est censé traduire les débats. En réalité, les colons discutent entre eux. On explique aux indigènes ce qu’ils ont décidé, et, sur un signe de l’administrateur, les indigènes acquiescent. Si l’administrateur essayait de résister aux colons,