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Ces vérités commencent à être comprises d’ailleurs en Algérie même. Dans ces derniers temps, de nombreux conseils municipaux ont approuvé les mesures prises pour améliorer la situation matérielle et morale des indigènes et amener un rapprochement plus intime entre les deux races. Grâce au contact incessant, la solidarité des intérêts s’accroît et devient de jour en jour plus manifeste. Le rapprochement qui a lieu permet d’espérer qu’à une domination assise sur la force succédera une communauté d’existence fondée sur la tolérance réciproque des deux populations au point de vue de leurs croyances, de leur conception de la vie et de leurs mœurs, et sur le concours bienveillant des colons et des indigènes à l’œuvre économique générale. Juxtaposées, rapprochées autant que possible, réconciliées sans être confondues, les deux races peuvent unir librement leurs efforts pour la production et le progrès ; et à bien considérer, c’est la vraie harmonie qui est indispensable à la paix, à la prospérité, à la civilisation.

Au surplus, il est nécessaire d’ajouter que des considérations de haute politique tirées des changemens récens apportés dans la carte de l’Afrique nous commandent de suivre une politique de bienveillance à l’égard de nos sujets algériens.

Par suite de l’énorme accroissement de notre Empire africain, la France est devenue une puissance musulmane, et musulmane doit être sa politique. Notre Empire musulman est maintenant trop étendu pour que cette considération ne paraisse pas décisive, et c’est par la force des choses que nous avons dû appliquer cette politique à chacun des nouveaux territoires que nous acquérions, et cela dès le jour même où nous y établissions notre domination. Cette politique s’est d’abord affirmée en Tunisie, puis de là au Soudan, dans les hautes vallées du Niger et dans les régions du lac Tchad. Et ce n’est pas un des moindres sujets d’étonnement des musulmans algériens que de se voir encore maintenus à l’écart sous le système du refoulement et sous le régime du code de l’indigénat et de la commune mixte, tel qu’il fonctionne encore aujourd’hui, alors que leurs voisins et coreligionnaires de Tunisie jouissent, sous notre domination, des bienfaits d’une administration bienveillante, paternelle et exempte de tracasseries. La différence de notre politique en ces deux pays, pourtant si semblables, est encore si grande que les indigènes, pour qui les deux mots de colonie et de protectorat ne