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l’Orient et destinée, non comme la sculpture grecque à mettre en évidence le relief, mais plutôt à faire ressortir un ornement en clair sur un fond obscur. C’est le même procédé que celui des tapis d’Orient ou des façades en briques émaillées des palais achéménides. Entre deux bandeaux formés d’acanthes et d’enroulemens règne une série de triangles en zigzags, au milieu desquels se détachent des rosettes polygonales que l’on trouve déjà sur les façades émaillées des palais assyriens et dont l’élégance fait songer aux combinaisons de l’ornement arabe. L’intérieur des tympans déterminés ainsi est couvert sans interruption de rinceaux de vignes et d’enroulemens, qui sortent d’un vase et au milieu desquels se jouent des animaux, lions, oiseaux, dragons, griffons, centaures, toute la faune moitié réelle, moitié chimérique de l’Orient.

Aucune inscription n’est venue malheureusement donner un indice qui permette de deviner la destination et le propriétaire de cet édifice mystérieux. L’importance de cette découverte n’en est pas moins considérable parce qu’elle révèle un spécimen de l’art hellénistique qui s’est développé en Mésopotamie au milieu des traditions persanes et chaldéennes. D’après l’hypothèse de M. Strzygowski, Mschatta serait le palais d’un prince arabe de la dynastie gassanide et aurait pu être construit au Ve ou au VIe siècle. Le retour à l’orientalisme, déjà visible sur les monumens de Baalbek et de Palmyre, s’y affirme manifestement. Le palais de Hâtra, situé au sud de Mossoul, et qui date de l’époque. des Parthes, la citadelle d’Amman près de Philadelphie en Syrie, l’enceinte construite à Sergiopolis (Resafa) sur l’Euphrate au VIe siècle, offrent des constructions et des ornemens analogues.

Les monumens perses de la dynastie sassanide représentent un art déjà presque dégagé de toute influence hellénique. L’art de Mschatta est au contraire une manifestation de la culture cosmopolite qui naquit dans l’empire séleucide du mélange de l’hellénisme avec les traditions orientales. Ce courant mésopotamien ne disparut pas, tant s’en faut, à la fin de l’antiquité : on en retrouve la trace dans les admirables évangéliaires ornés de miniatures décoratives et de canons de concordance, tels que l’évangéliaire orné par le moine Rabula, du couvent de Zigba en Mésopotamie en 586, et conservé à la Laurentienne. Son rôle paraît avoir été considérable aussi bien dans la genèse de l’art byzantin que de l’art arabe. Son rayonnement