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a même peut-être atteint l’Extrême-Orient : le dessin d’un miroir exécuté au premier siècle avant Jésus-Christ pour l’Empereur chinois Wu-ti offre les enroulemens de vignes que l’on trouve à Mschatta. La vigne est inconnue en Chine aussi bien que dans l’Inde où elle figure sur des monumens bouddhiques ; son introduction dans l’art de ces régions pourrait bien être due aux influences helléniques venues de Mésopotamie[1].


III

De tous les pays d’Orient, l’Asie Mineure est celui qui a subi le plus profondément l’influence de l’hellénisme. Les côtes ont toujours été et sont encore son domaine incontesté ; les peuplades indigènes de l’intérieur au contraire, séparées de la mer par de hautes chaînes de montagnes, ont toujours regardé du côté de l’Euphrate ; il n’est donc pas étonnant qu’elles n’aient été conquises qu’imparfaitement à l’art hellénique. Les voyageurs avaient eu déjà l’occasion de signaler à l’intérieur des ruines considérables ; quelques-unes avaient même été dessinées, et l’on avait affirmé déjà le rôle important de l’Asie Mineure dans la genèse de l’art du moyen âge[2]. Mais les découvertes de ces dernières années ont apporté une véritable révélation et ajouté « un nouveau domaine » à l’histoire de l’art[3]. Dès le IXe siècle et peut-être plus tôt l’Asie Mineure et la Syrie du Nord connaissaient toutes les variétés d’églises usitées plus tard en Europe au moyen âge[4]. Tandis que sur les côtes régnait le type de la basilique à colonnes couverte en charpente qu’on retrouve dans toute la Méditerranée, on élevait déjà en Cappadoce et en Cilicie des constructions tout à fait étrangères à l’architecture classique.

  1. De même M. Salomon Reinach (Revue archéologique, t. XXXVI à XXXIX) a montré que le motif stylisé du galop volant a été introduit dans l’art chinois par l’intermédiaire des artistes persans de l’époque sassanide. C’est un fait du même ordre.
  2. Choisy, Histoire de l’Architecture, Paris, 1899.
  3. Les principales explorations sont celles de Smirnof en 1895, Crowfort en 1900, de la Société scientifique de Prague en Isaurie et d’Oppenheim dans la Syrie du Nord en 1902, de miss Lowthian Bell et de Ramsay (1905-1906).
  4. Les inscriptions découvertes par Ramsay à Binbirkilisse et à Daoulch peuvent être datées du VIIIe ou du IXe siècle ; ces églises sont donc moins anciennes que ne l’avait admis Strzygowski, mais elles n’en paraissent pas moins représenter un type indigène d’origine très lointaine.