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manie d’imitation à outrance. C’est pour des raisons intellectuelles que le moyen âge. fut dans tous les domaines l’époque de l’autorité : à la suite des bouleversemens qui avaient ravagé l’Europe, il semblait que les esprits fussent incapables de penser sans le secours d’autrui ; dans toutes les matières, il fallut couler la pensée dans le moule de formules toutes faites. Or, la source universelle à laquelle le moyen âge tout entier a puisé sans discernement, c’est justement cette culture hellénistique des quatre derniers siècles de l’antiquité. Son caractère cosmopolite, les élémens humains qu’elle tenait de la Grèce antique, le mysticisme oriental qu’elle portait en elle en firent l’initiatrice des peuples et des esprits les plus différens. Les mêmes questions furent agitées dans la même forme, aussi bien dans les monastères d’Occident que dans ceux du mont Athos, du Sinaï ou de la lointaine Arménie ; théologiens latins ou grecs, rabbins juifs, docteurs musulmans s’inspirèrent également de l’exégèse d’Alexandrie. Les mêmes légendes venues d’Orient pénétrèrent dans les littératures les plus diverses, et, de la Scandinavie à la Grèce, les mêmes héros furent chantés dans des langues différentes : rien n’est plus remarquable que l’unité du folklore médiéval.

Dans la chrétienté, latine ou orientale, ce furent les monastères qui gardèrent le dépôt de cette culture hellénistique et, malgré les déformations qu’elle subit dans le cours des âges, on peut dire que l’humanité en a vécu jusqu’au XVIe siècle. Il n’est donc pas étonnant que l’art ait suivi les mêmes voies que la civilisation tout entière : en fait, les influences de l’art hellénistique sont facilement reconnaissables aussi bien dans l’art byzantin que dans l’art occidental, et l’on commence à mieux connaître aujourd’hui les intermédiaires qui furent les auteurs de cette expansion.

La fondation de Constantinople en 331 est l’événement capital de cette histoire des destinées de l’hellénisme. La nouvelle ville reçut officiellement la même organisation que Rome, mais les architectes qui la construisirent allèrent chercher leurs modèles dans les grandes villes d’Orient, à Antioche ou à Alexandrie.

Les rues s’ornèrent de portiques à la mode syrienne ; les églises furent des copies de basiliques d’Asie Mineure, et la grande création de l’art byzantin, l’église Sainte-Sophie, due à deux architectes asiatiques, Anthemius de Tralles et Isidore de