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Pinel et d’Esquirol, que sous celle d’exemples venus des asiles d’Ecosse et d’Angleterre.

Ainsi, vers cette époque, la ville de Montpellier offrait aux aliénés un local infect qui était adossé à l’hôpital Saint-Éloy. C’était un long corridor, noir comme un four. De chaque côté, il y avait des cellules où les malades étaient reclus dans l’obscurité et la puanteur. Le grand remède était le purgatif, dont les effets ne devaient certes pas rendre plus respirable l’air de ces ignobles cachots. Autre exemple : à Strasbourg, la situation des fous était absolument répugnante. On les détenait dans un bâtiment annexé à l’hôpital civil. Ceux qui paraissaient calmes étaient enfermés dans les salles basses de ce local. Une simple cloison en bois séparait la salle des hommes de celle des femmes. Les lits se pressaient l’un contre l’autre, tellement la place était restreinte. Dans la journée, ces aliénés déambulaient dans une cour qui leur était commune avec les malades ordinaires de l’hospice. Dans ces mêmes salles, déjà si étroites, on avait établi, sur les côtés et à chacun des bouts, des espèces de cages ou d’armoires en planches, élevées d’un demi-pied au-dessus du sol. C’est là-dedans qu’on mettait les fous agités ou les gâteux. Chaque cage était jonchée d’un peu de paille hachée sur laquelle couchait le malade, le plus souvent nu. Il y prenait ses repas et y satisfaisait tous ses besoins. On s’imagine facilement le degré d’infection qui régnait dans le placard. Les galériens mis à la chaîne devaient être plus à l’aise… Et la salle où « reposaient » les malades tranquilles contenait treize de ces cages de chaque côté… Quelles nuits infernales on devait passer dans un pareil dortoir ! Que de scènes tragiques, que d’actes sauvages et cyniques devaient résulter de ce mélange dantesque d’une cinquantaine de fous de toutes les catégories !… Un jour, on a mis dans une de ces cages dont je viens de parler un dragon pris d’un accès d’excitation violente. Il avait pour voisine dans l’armoire contiguë une jeune paysanne dont l’agitation maniaque était également très vive. Le soldat parvint à enlever une planche de la cloison commune ; il cohabita avec la paysanne.

Il arrivait souvent que des individus amenés à la section des aliénés de Strasbourg pour des troubles mentaux légers, devenaient rapidement des fous dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. Pas un malade ne résistait à un pareil régime.