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quel contre-chant de flûte ou de clarinette et même, si je ne me trompe, une note de tambourin, vienne gâter notre émotion, presque la détruire. Ce qu’il fallait et ce qui suffisait là, c’était l’harmonie des voix, une harmonie originale, mais simple, mais pure. Alors on eût goûté sans réserve, et peut-être avec un vague désir de larmes, ce regret féminin de la patrie.


Maintenant, pour passer de la musique du XXe siècle à celle du XIIIe, et de l’Opéra-Comique à Notre-Dame, vous nous dispenserez de chercher une transition.

On se plaint volontiers, et l’on pourrait bien avoir raison, que la science envahisse aujourd’hui la musique. Il est réciproquement vrai, mais il faut plutôt s’en féliciter, que la musique à son tour entre dans la science et qu’elle s’y fait une place chaque jour grandissante. Objet d’histoire, d’archéologie, et de géographie même, témoin les excellentes publications de la Société Internationale, son domaine s’étend à la fois dans l’espace et dans la durée. Il semble que la musique remonte au rang que l’antiquité d’abord, et puis le moyen âge, lui donna parmi ce qu’on pourrait appeler les grandes disciplines de l’esprit. Et sans doute nous n’avons pas plus de génie, ou seulement de talent, que nos pères, mais nous possédons plus de connaissances. Le temps est passé de croire, avec Victor Hugo, « que la musique date du XVIe siècle, » et de montrer, dans un salon, comme je ne sais quel romancier d’autrefois, une dame qui se lève pour chanter un « air » de Palestrina. Avec cela, plus les origines reculent, et plus elles s’éclairent. A mesure qu’elles s’éloignent, notre œil se fortifie et s’aiguise davantage, afin de les suivre mieux et de les saisir, aussi loin qu’elles puissent se cacher. Enfin, et ceci encore est excellent, attirés par le dehors, fût-ce par l’exotisme, nous sommes pourtant devenus curieux de nous-mêmes. Il nous plaît de remonter dans notre propre passé, de faire à notre pays sa part, une belle part, et que chacune de nos découvertes, heureusement, nous montre plus belle. La magnifique édition, entreprise et poursuivie par M. Henry Expert, des Maîtres Musiciens de la Renaissance Française, avait déjà de quoi flatter singulièrement notre fierté nationale. C’est un témoignage plus ancien, et glorieux aussi, que les Cent Motets du XIIIe siècle, publiés par M. Pierre Aubry, viennent de nous rendre.

Musicale et littéraire, artistique et scientifique à la fois, une telle publication est véritablement complète. Sur les trois volumes dont elle se compose, l’un est la reproduction phototypique du manuscrit