Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traité de Berlin ; mais, à partir du jour où la Porte, c’est-à-dire la principale, sinon même la seule intéressée parce qu’elle était la seule spoliée, s’était entendue avec l’Autriche et avait renoncé à ses droits moyennant une compensation financière, l’opposition d’une autre puissance devenait difficilement soutenable. L’accord entre la Bulgarie et la Porte avait dégagé un autre côté de la question. Ces deux accords particuliers devaient grandement faciliter un accord général : il suffisait, pour cela, que l’Autriche n’abusât pas de ses avantages. Mais, précisément, l’Autriche paraissait résolue à les pousser jusqu’au bout, et à obliger la Serbie, imprudente il faut bien le dire, intéressante néanmoins à cause de sa petitesse et de sa faiblesse, à s’humilier devant elle dans des conditions qui devaient peser longtemps sur sa dignité. Les petites puissances ont la leur comme les grandes, et les grandes s’honorent en la respectant. L’Autriche ne l’entendait pas ainsi : elle voulait, elle exigeait une déclaration directe du gouvernement serbe ; elle n’acceptait pas que celui-ci se dérobât derrière la Russie ; elle annonçait l’envoi d’une note nouvelle qui, sans avoir peut-être encore la forme d’un ultimatum, en aurait pourtant les allures et dicterait ne varietur à la Serbie la formule de renoncement et de soumission dont elle devait user à l’égard de sa puissante voisine. Celle-ci continuait ses arméniens comme si elle se préparait à une grande guerre, et dénonçait ceux des Serbes comme s’ils pouvaient leur servir à quelque chose. Si les événemens suivaient ce cours, ils devaient inévitablement et très prochainement aboutir à un conflit armé. On s’est vu presque à la veille de la guerre. C’est alors que la France et l’Angleterre, revenant à l’action commune que la démarche isolée de la Russie avait un moment suspendue, se sont entremises pour chercher, bien entendu avec la Russie, la formule d’une déclaration que la Serbie pourrait faire et dont l’Autriche pourrait se contenter. Pour leur permettre de la trouver, si la chose était possible, le gouvernement austro-hongrois a consenti à ajourner l’envoi de sa propre note à Belgrade.

On s’est repris alors à respirer, on a cru que la paix pourrait être sauvée ; mais de nouveaux nuages n’ont pas tardé à se former. Le langage pessimiste, violent, hargneux, de la presse autrichienne et de la presse allemande était un symptôme de mauvais augure. Les intentions réelles de l’Autriche devenaient de plus en plus obscures ; elles se sont découvertes et précisées lorsque, la note projetée par les trois puissances ayant été officieusement communiquée à Vienne, le gouvernement austro-hongrois ne s’est pas contenté de faire savoir