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territoire allemand, sous le prétexte que l’Espagne a appelé un prince prussien pour la gouverner. Je vous avoue franchement que j’aurais préféré que la guerre éclatât sur une autre question. La Prusse décline toute participation à la candidature ; elle dit que cette affaire ne la regarde pas, et on commence à croire que si vous ne vous contentez pas de cette affirmation, c’est que votre gouvernement veut profiter de cette occasion pour revenir sur les événemens de 1866. La ligne de conduite suivie par votre gouvernement et le langage violent de ses journaux donnent quelque vraisemblance à ces suppositions ; vous rendez notre situation fort difficile. J’ai toujours soutenu que les traités d’alliance avaient un caractère défensif ; si la Prusse pouvait, avec quelque apparence de raison, vous accuser d’être les agresseurs, et que vos armées pénétrassent les premières sur le sol allemand, nous serions obligés de marcher contre vous, ce que je regretterais vivement, car la Bavière n’a jamais eu qu’à se louer de la France, et, de tous les Etats allemands, c’est celui où le sentiment public vous est le plus favorable (13 juillet). »

Le Cabinet anglais ne vit pas l’influence décisive qu’il pouvait exercer. D’un mot, s’il l’eût voulu, il aurait arrêté la guerre. Il n’avait qu’à dire : « Une règle internationale, créée par nous en Belgique et subie par nous en Grèce, a interdit à toute grande puissance de placer un de ses membres sur un trône étranger, sans un accord européen préalable. Nous croyons qu’il y a lieu, dans les circonstances qui menacent la paix du monde, de réunir une conférence pour examiner la valeur de cette règle et apprécier l’application qu’il convient d’en faire à la candidature posée en Espagne. »

Cette proposition qui, venue de nous, aurait échoué devant un refus sec de la Prusse et de l’Espagne, était au contraire assurée de la réussite si l’Angleterre en avait pris l’initiative. Notre adhésion eût été immédiate, celle de l’Autriche et de l’Italie n’eût pas tardé, non plus que celle de la Russie. Bismarck eût grommelé, mais son roi ne l’aurait pas écouté : la conférence eût eu lieu et elle aurait arrangé le conflit. Le Cabinet anglais ne sut ni approuver, ni blâmer, ni s’abstenir ; sa conduite fut équivoque, mesquine, poltronne ; il nous soutint comme si nous avions raison et il parut contester notre droit comme s’il ne nous avait pas soutenus. Granville accueillit d’un air froid et embarrassé l’appel de Gramont à son concours ; il