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dans son affolement furieux, s’attaquait à notre ambassadeur à Madrid comme à celui de Berlin. Il y eut même dans le seul, journal qui fût officieux, le Constitutionnel, quelques reproches assez vifs contre Benedetti. On nous demandait son rappel et celui de Mercier : on leur reprochait à l’un et à l’autre de n’avoir pas pénétré le complot Hohenzollern, et à Benedetti particulièrement de nous avoir laissé ignorer les vues ambitieuses de la Prusse, et de n’avoir pas dénoncé son entente avec la Russie. Il était faux que Benedetti ne nous eût pas avertis des vues ambitieuses de Bismarck et du gouvernement prussien ; il l’avait fait souvent et, en particulier, dans sa belle dépêche de janvier 1870 que j’ai analysée en son temps, et il n’avait négligé aucune occasion de nous prévenir que l’entente avec la Russie était un des moyens d’action préparés par cette ambition. Mais, après nous l’avoir dénoncée, il nous avait trop rassurés dans ces derniers temps en nous la présentant comme différée et assoupie. Il était vrai qu’en 1869 il avait instruit son gouvernement de la candidature Hohenzollern ; il n’avait pas eu même grand mérite à cela puisque la plupart des feuilles allemandes étaient pleines de ce projet. Mais c’est en mars 1870 qu’il eût fallu pénétrer le complot ; or, non seulement Benedetti ne l’avait point fait, mais il s’était laissé tromper sur le motif de la présence à Berlin des princes de Hohenzollern quoiqu’il eût pu être mis en éveil par l’alerte de l’année précédente. Si nous avions obtempéré aux injonctions de l’opinion publique en lui jetant, comme boucs émissaires, les deux ambassadeurs, nous eussions, à l’applaudissement universel dégagé notre responsabilité propre. Nous n’en eûmes pas même la tentation. Pressés par les événemens, n’ayant pas le temps de faire une enquête sur la conduite de Mercier et de Benedetti, nous résolûmes le doute en leur faveur. Nous fîmes cesser les attaques dans le Constitutionnel, nous maintînmes Mercier à son poste et nous chargeâmes ce Benedetti, si conspué, d’aller à Ems négocier avec le roi Guillaume. N’était-ce pas le protéger et le couvrir plus efficacement que par une déclaration à la tribune ou dans la presse, dont nous n’avions pas les élémens et qui eût soulevé d’irritantes et inutiles contestations ? Il a mal reconnu depuis cette générosité de notre part.

Quelqu’un présente-t-il une difformité physique, c’est la première chose qu’on remarque en lui. Léon XIII avait pour Maître