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opposer au choix d’un souverain librement élu par la représentation du pays ; il n’y avait qu’à attendre la réunion des Cortès : « C’est à Madrid et non auprès de moi, dit-il, que vous devriez agir. Vous n’avez qu’à employer votre influence à décider le gouvernement du Régent à renoncer à son projet ; l’honneur de la France n’a été ni ne saurait être atteint par la résolution du prince de Hohenzollern ; elle a été précédée par des négociations que le Cabinet de Madrid a librement ouvertes, et auxquelles aucun gouvernement n’a pris part ; il ne peut donc y avoir un sujet de dissentiment ni de conflit, et la guerre ne peut sortir d’un incident dans lequel nulle puissance n’est intervenue[1]. »

En résumé, le Roi refusait de donner un ordre ou un conseil aux Hohenzollern : il les avait interrogés sur leurs intentions et attendait leur réponse. Il rendit compte à sa femme de l’audience : « Hier, après ton départ, Benedetti était chez moi ; il était calme et tranquille, excepté en parlant des journaux « qui demandent sa tête et un tribunal pour le juger. » Le Roi reproduit alors en substance le système sur le droit des Espagnols, etc. Il raconte que Solms lui a écrit de Paris que Gramont avait dit à Olozaga : « L’Espagne reste pour la France tout en dehors du jeu, mais nous voulons la guerre avec la Prusse. » Ainsi Gramont a tout à fait découvert sa morgue autrichienne contre nous. » Encore une information de diplomate. En réalité, Olozaga trouvait tout naturel qu’on s’adressât à la Prusse et non à l’Espagne et Gramont disait à qui voulait l’entendre : « Nous ne voulons pas la guerre avec la Prusse et c’est pourquoi nous lui demandons de retirer la candidature qui nous obligerait à la lui faire. »

Le récit de cette audience, qui nous parvint le 10 juillet, ne diminua ni nos perplexités ni nos alarmes. Le Roi y avait fait des aveux significatifs prouvant sa participation, et cela même donnait plus d’importance à son refus de faire disparaître, par l’ordre ou par le conseil (l’un ou l’autre revenait au même), le projet qu’il avait connu et approuvé. Il reprenait, en lui donnant des développemens plus amples, la thèse inacceptable de

  1. Les documens prussiens donnent aux réponses du Roi une raideur qu’elles n’ont pas dans le rapport de Benedetti. La chronique du Journal officiel (9 juillet) dit : « L’ambassadeur de France près la Confédération, s’étant rendu de Wilbad à Ems, est reçu par le Roi, et prie Sa Majesté d’interdire au prince de Hohenzollern d’accepter la couronne d’Espagne, le Roi refuse. »