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strictement dans les termes où nous l’avions engagé : la candidature Hohenzollern et rien au-delà. Le Roi avait été satisfait du langage que nous avions tenu dans la séance du 11. Il écrivit à sa femme : « Le discours calme de Gramont est probablement la suite du télégramme de Benedetti après notre entretien d’hier à dix heures du matin, que je t’ai écrit. » Le Roi se méprenait : ce qui avait rendu calme Gramont, c’était notre décision personnelle de ne pas cesser de l’être, non le récit de la seconde audience de Benedetti qui, au contraire, nous avait fort peu rassurés. Nous ne pouvions nous décider à croire qu’en effet le prince avait entrepris un voyage dans le Tyrol, alors qu’à chaque instant une députation espagnole pouvait venir lui offrir la couronne. Cette invraisemblance nous faisait craindre que ce ne fût que pour gagner du temps et se rapprocher du 20 juillet que ce prétendu voyage avait été imaginé.

Gramont exprima à Benedetti la disposition d’esprit dans laquelle nous mettait la perpétuelle échappatoire du Roi : « Au point où nous en sommes, je ne dois pas vous laisser ignorer que votre langage ne répond plus comme fermeté à la position prise par le gouvernement de l’Empereur. Il faut aujourd’hui l’accentuer davantage. Nous ne pouvons pas admettre la distinction entre le Roi et son gouvernement qui vous a été exposée. Nous demandons que le Roi défende au prince de persister dans sa candidature. » Jusque-là, la négociation de Benedetti avec le Roi en était restée exactement au même point. Elle avait consisté à conjuguer le verbe attendre. « J’attends une lettre des princes, avait dit Guillaume. — Votre Majesté a-t-elle reçu la lettre qu’elle attend ? » C’est à quoi s’était réduit le dialogue entre l’ambassadeur et le Roi.

Benedetti écrivait à Gramont : « Je ne ménage ni mon temps ni ma peine et je me désole de ne pouvoir réussir. » Depuis, dans un écrit apologétique et sophistique contre Gramont, il a prétendu que s’il n’avait pas obtenu du Roi une intervention directe, par ordre ou par conseil, auprès des princes de Hohenzollern, il l’avait amené par son habileté à faire le sacrifice des vues politiques de ses conseillers et l’avait conduit à déclarer qu’il ne mettrait aucun obstacle à la renonciation de Léopold. Or, il résulte des lettres du Roi à la Reine et des messages envoyés à Sigmaringen qu’avant l’arrivée de Benedetti à Ems, Guillaume avait fait le sacrifice d’une candidature dont il n’avait