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souvent aussi, de se jouer avec grâce dans les variations infinies et légères que ce sentiment comporte. Le jeune Moschion de la Samienne ne semble pas devoir être pris trop au sérieux, bien qu’il aime sincèrement. L’amour le rend intéressant sans doute et lui inspire quelques jolis propos. Il ne lui donne pas une personnalité. Les emprunts que Térence a faits à Ménandre nous donnent à penser qu’il en était souvent ainsi chez celui-ci. Il n’aurait pas été le peintre fidèle de la vie, s’il l’avait faite plus profondément passionnée ou plus riche en volontés fortes qu’elle ne l’est effectivement.

Si d’autres pièces de Ménandre nous sont rendues encore, le moment viendra où l’on pourra passer en revue les personnages qu’il avait créés, les étudier en eux-mêmes et dans leurs rapports avec la société contemporaine. Pour le moment, nous ne possédons, de cette galerie si riche et si variée, qu’un petit nombre de spécimens incomplets et dépareillés. Il serait donc prématuré de vouloir les classer et les étudier par groupes. Il faut s’en tenir, à cet égard, aux observations, nécessairement un peu superficielles, qui ont été énoncées depuis longtemps. On nous dispensera de les répéter ici.


V

Une chose, au contraire, qu’il importe de signaler encore, parce que nous commençons à être en état d’en mieux juger, c’est l’appropriation de la langue et du style à la variété des personnages. Le langage de Ménandre a un caractère scénique très prononcé, en ce qu’il vise avant tout au naturel et à l’imitation de la réalité. Il se garde soigneusement de tout ce qui trahirait l’application de l’écrivain ou une visée littéraire. Tout en s’exprimant en vers et en termes corrects, ses personnages ont l’air de parler comme on parlait couramment à Athènes. Évidemment, il y a là, de même que nous l’avons observé déjà à propos de leurs raisonnemens, une part d’illusion. Mais on ne peut nier que l’illusion n’existe, et il n’est pas sans intérêt de chercher à voir comment elle est produite.

Elle tient à la fois au choix des mots, au tour des phrases, à la liaison et au groupement des idées.

Le vocabulaire de Ménandre est emprunté à un parler moyen