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civilisation anglo-saxonne ne vienne à obscurcir chez eux l’empreinte latine, et par-là même, ne dénature leur personnalité. Ils se font gloire de demeurer fidèles au génie latin, en même temps qu’aux sonores langues latines. Ils restent tous, en un mot, attachés à la « latinité » qu’ils tiennent de leurs aïeux d’Europe, la regardant comme le fondement commun de leur vivace nationalité. S’ils rêvent de créer, eux aussi, sur le sol neuf de leur Amérique, de robustes nations à la puissante culture, ils veulent que ce soit en conformité avec leur histoire et leur caractère ethnique, au profit de l’esprit latin et des antiques races élevées par la vieille Rome.

Pour se mieux défendre contre les empiétemens ou contre les séductions de l’envahissant génie anglo-saxon, toutes ces nations néo-latines du Nouveau Monde se retournent vers l’Europe, vers la vieille Europe romane, dont leur indépendance n’a plus rien à redouter et où leur autonomie intellectuelle peut se retremper et se fortifier. Elles regardent à la fois vers leurs mères patries anciennes, vers la Castille, vers le Portugal, et par-delà les terres ibériques, vers l’Italie d’où leur arrivent aujourd’hui le plus grand nombre d’immigrans, vers la France surtout, restée, pour toutes ces lointaines républiques, la grande sœur et la grande éducatrice.

Depuis que le drapeau des Castilles a cessé de flotter sur le continent et sur les îles du Nouveau Monde, l’Espagne est devenue, pour ses nombreuses filles transatlantiques, la vénérable aïeule vers laquelle montent les respects affectueux de tous ses enfans. Mais si rapides et si pleins de promesses que soient les progrès de l’antique monarchie, si vivaces que semblent ses forces et si abondantes ses ressources ramassées en sa massive presqu’île européenne, l’Espagne du roi Alphonse XIII ne saurait encore offrir à ses remuantes filles de l’autre hémisphère tous les alimens intellectuels que réclame, de leurs parens d’Europe, la faim impatiente de ces jeunes républiques. Il leur faut quelque chose de plus neuf et de plus vivant ; et ce qu’elles ne peuvent toujours trouver chez la grave et solennelle Espagne aux institutions anciennes et aux mœurs surannées, les républiques du Sud-Amérique viennent le demander à la France, demeurée à la fois l’aînée et la plus moderne des nations latines.

Pour ces sœurs de l’Amérique, comme pour les peuples de l’Orient, la France reste la grande pourvoyeuse d’idées aussi