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condamné à bientôt s’écrouler. Or, à part le grand collège turco-français de Galata Serai et quelques rares lycées des grandes villes, il n’y a vraiment ni enseignement moyen, ni enseignement élémentaire, ni enseignement supérieur.

Le vieil Islam a bien ses écoles populaires ; mais les Turcs affranchis ne sauraient se contenter des Mektebs, ces primitives écoles de mosquées, où, à l’ombre des hauts minarets, les petits musulmans, assis sur leurs talons, apprennent, en se balançant et en psalmodiant d’une voix nasillarde, à déchiffrer péniblement, un à un, les versets du livre sacré. Ni les écoles musulmanes plus relevées, les Médressés, ni l’enseignement traditionnel donné aux Softas, aux théologiens ou juristes de l’Islam, ne sauraient suffire aux futurs citoyens et, moins encore, aux futurs magistrats ou fonctionnaires de la Turquie émancipée. Du sommet à la base de l’enseignement public, tout est de changer, ou mieux tout est à créer, et les établissemens matériels et plus encore l’esprit et les méthodes de renseignement. Pour y réussir, il ne faudrait guère, moins qu’une révolution ; et la plus malaisée, la plus dispendieuse de toutes. C’est un domaine où il serait téméraire à la Turquie de prétendre far dà se. Elle aura beau confier le ministère de l’Instruction publique aux hommes les plus libéraux et les plus compétens, elle aura beau appeler du dehors, pour l’aider à fonder des écoles et à former des maîtres, toute une armée de professeurs et d’instituteurs dévoués, alors même qu’elle ne se briserait point contre les suspicions des Vieux-Turcs et contre les préjugés populaires, une telle entreprise restera longtemps au-dessus des forces de la Turquie.

La tâche est trop vaste, et partant trop coûteuse. Certes, le gouvernement nouveau pourrait ouvrir, dans les principales villes, quelques grands collèges ou gymnases comme l’ancien régime en avait déjà créé un à Constantinople. Peut-être même, avec le concours de maîtres du dehors, pourrait-il, comme l’avait déjà tenté, pour la médecine et pour le droit, le régime tombé, établir une ou deux universités. Il lui sera impossible de mettre les sciences, de mettre même les élémens des connaissances modernes à la portée de tous les Ottomans qui en sentent le besoin. Il y faudrait plusieurs centaines de millions, et ces millions, en admettant même qu’on pût en demander quelques-uns aux vakoufs, aux biens des mosquées, le Parlement ne pourra les donner au ministère de l’Instruction publique. Pour