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au printemps dernier, son lycée de garçons, dirigé par un ancien élève de l’Ecole normale, et ses cours secondaires pour les jeunes filles. Ce sont des établissemens qui font honneur à la France. Maîtres et maîtresses, pour la plupart français, pourvus de nos diplômes, sont animés d’un noble patriotisme et entièrement dévoués à leur œuvre. Ils se considèrent bien comme des missionnaires de la culture française. Les programmes semblent adaptés au but ; l’enseignement, comme il convient en une grande ville commerciale, est très moderne ; à côté des sciences, il y est fait une large place aux langues vivantes, à l’anglais, à l’allemand, voire à l’italien, en même temps qu’au turc et au français, qui reste la langue de l’enseignement. De pareils collèges ou écoles sont dignes de tous les encouragemens. Ils n’ont guère qu’un défaut : ils coûtent cher. Des professeurs, comme ceux du lycée de Salonique, qui, pour se vouer tout entiers à leur mission, s’établissent en ces contrées déjà lointaines et y font venir leur famille, ont droit à un traitement qui, alors même qu’il paraîtrait relativement élevé, reste au-dessous de leur mérite. Une bonne école laïque coûte sept ou huit fois plus qu’une humble école congréganiste. Alors même que nous donnerions la préférence à la première, cela seul nous interdirait de la substituer partout à la seconde. Loin d’assurer la victoire du français, pareille laïcisation aboutirait à la fermeture de la plupart de nos écoles, partant, au recul rapide, à la défaite prochaine de notre langue. Puis, s’il faut nous tenir en garde contre toute suspicion de prosélytisme, n’oublions pas qu’en Orient le sentiment religieux conserve partout une grande force ; si diverses que soient leurs croyances, les Orientaux de tout culte s’inclinent volontiers devant la religion et devant ses ministres. Musulmans ou chrétiens, la noire soutane des frères, la blanche cornette des sœurs gardent, pour la plupart, un prestige que relèvent encore, chez nos religieuses, les soins donnés par elles aux malades. En outre, sans discuter l’exactitude des hâtifs rapports de voyageurs de passage sur nos écoles du Levant, il importe de songer que ce que cherchent dans nos écoles primaires la plupart des Orientaux, ce n’est pas un enseignement plus ou moins élevé, conforme aux dernières méthodes pédagogiques, c’est plutôt des connaissances élémentaires, et surtout la pratique de notre langue française.

Aussi, loin d’opposer l’école laïque à l’école congréganiste,