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donner du contentement… » On conçoit qu’Etienne Pascal ait conservé précieusement cette lettre de sa fille. Rentré à Paris, il vint saluer Richelieu avec ses trois enfans, car le cardinal « n’avait point voulu le voir seul. » Le tout-puissant ministre le reçut « parfaitement bien. » « Je vous recommande ces enfans, ajouta-t-il, j’en ferai un jour quelque chose de grand. » Si le mot, rapporté par Marguerite Perier, est authentique, Richelieu n’en a pas prononcé qui fasse plus d’honneur à sa puissance d’intuition.

En attendant, il envoya Etienne Pascal à Rouen pour y servir d’adjoint, pendant une période difficile, à M. de Paris, intendant de Normandie. Etienne Pascal y resta neuf ans, remplissant avec conscience les devoirs de sa charge, appliquant avec une vigoureuse fermeté les ordonnances royales, et sans d’ailleurs perdre de vue l’éducation et l’établissement de ses enfans. Tandis que Gilberte épousait, en 1640, Florin Perier, un de ses parens, que Blaise poursuivait ses travaux scientifiques, inventait la machine arithmétique, Jacqueline, dans ce nouveau milieu, très lettré et très mondain, où on l’accueillit avec transport, Jacqueline continua à faire des vers, et à jouer aux poupées. Corneille était un familier de la maison : ce fut sur ses encouragemens que Jacqueline prit part à un concours organisé par une confrérie religieuse, en l’honneur de la Conception de la Vierge, et la jeune fille ayant obtenu le prix, ce fut lui encore qui, dans une improvisation en vers, — en mauvais vers, — remercia « pour la jeune Muse absente. » Un certain nombre des vers juvéniles, — les meilleurs sans doute, — de Jacqueline Pascal nous ont été conservés[1]. Ils sont loin de valoir l’admiration qu’ils ont provoquée parmi les contemporains ; et il n’y a pas à en appeler du jugement de Sainte-Beuve, qui déclare que ces productions de l’enfant prodige « n’étaient guère capables de faire revenir son frère du peu d’estime qu’il ressentait pour la poésie. » Le mauvais goût du temps y fleurit avec une fâcheuse abondance. Voici un Quatrain fait sur le champ, sur ce que Madonte faisait fermer les volets de

  1. Quelques-uns de ces vers ont été imprimés du vivant même de l’auteur, en un petit volume in-4e, intitulé : Vers de la petite Pascal, 1638, sans nom d’imprimeur. Ce volume, qui contenait une épitre dédicatoire de Jacqueline à la Reine, existait encore au XVIIIe siècle, puisque le P. Guerrier l’a eu entre les mains : il est devenu introuvable.