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annoncées. » En témoignage de quoi M. France cite le Procès, tome II, p. 53. La source véritable se trouve p. 53 du tome I, où nous lisons ceci : « Le sire Robert l’a repoussée à deux reprises, mais, la troisième fois, il l’a reçue et lui a donné des hommes (pour l’escorter) ; el c’est ce que sa Voix lui avait prédit. » Nulle trace, ici ni ailleurs, des « outrages de la garnison ; » et rien ne prouve, non plus, que Jeanne ait « tenu le mépris du capitaine comme une preuve de la vérité de sa mission. » Ses « voix » lui ont seulement annoncé que Baudricourt lui « donnerait des hommes » pour l’accompagner auprès du Dauphin.

Voici, maintenant, une observation qui ne laisse pas d’avoir une certaine portée historique ! Racontant le départ de Jeanne pour Toul, où elle avait à se justifier d’un prétendu manquement à une promesse de mariage, M. France nous dit que, plus tard, au procès, la Pucelle s’est repentie d’avoir désobéi à ses parens dans cette occasion. Sur ce point, les sources citées sont une page 476 du tome II du Procès, page qui n’existe pas dans ce tome, et une page 128 du tome I, « où aucune mention n’est faite de cette histoire. » Dans la page suivante, Jeanne déclare que « jamais elle n’a désobéi à ses parens qu’une seule fois, à savoir, en quittant Domremy pour se rendre auprès du Dauphin. » Mais l’erreur reprochée à M. France a été commise, bien avant lui, par l’un des rapporteurs du procès de Rouen, qui, brouillant deux réponses de l’accusée, note qu’elle a reconnu « n’avoir désobéi à ses parens qu’une seule fois » et ajoute que c’est en allant à Toul pour l’affaire du mariage. Erreur que démontre clairement le contexte du Procès. Et lorsque M. France nous représente la jeune fille « se rendant à l’official de Toul non pas une fois, mais deux ou trois fois, et cheminant, jour et nuit, sur la même route que suivait en même temps son faux fiancé, » M. Lang lui objecte que, à ce compte, durant la quinzaine de jours qu’elle est restée à Neufchâteau, Jeanne aurait fait à pied plus de deux cents kilomètres ! Il rappelle, d’ailleurs, que le père de la jeune fille possédait des chevaux, et qu’elle avait toujours un frère pour l’accompagner.


Ainsi la réfutation se poursuit, de page en page ; et sans cesse le biographe anglais, après avoir examiné les sources invoquées par M. France, assure qu’il les a trouvées muettes sur les faits allégués, ou bien présentant ces faits sous un aspect différent.