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J’ai cité quelques-unes des objections relatives au début de l’histoire de la Pucelle : je pourrais continuer de la même manière jusqu’à la fin du dernier chapitre, où M. France raconte que Jeanne, avant de mourir, « demanda pardon au roi Henri et aux princes anglais du royaume, » en appuyant son récit sur une page du Procès qui ne fait pas la moindre mention du pardon demandé au « roi Henri, » ni aux « princes anglais du royaume. » Si bien que c’est le plus ingénument du monde que M. Lang, accoutumé à une précision rigoureuse dans la pratique des textes documentaires, nous exprime, quelque part, sa surprise « devant les procédés d’un historien qui, se livrant aux affirmations les plus étranges, les fonde sur des références à des livres et des pages où il n’est question de rien de ce qu’il dit. » Mais, avec tout cela, nous avons l’impression que les erreurs signalées dans l’ouvrage français ne se rapportent pas, indistinctement, à tout l’ensemble de la vie de Jeanne d’Arc : presque toutes se produisent dans des passages où M. France s’occupe soit du rôle politique de son héroïne ou de cette inspiration « cléricale » dont j’ai parlé tout à l’heure. Et c’est pourquoi je n’ai pas cru pouvoir passer sous silence cette partie « critique » de la nouvelle biographie anglaise de la Pucelle : car il s’agit ici beaucoup moins du livre et de la personne de M. France, — qui, même si les reproches qu’on lui adresse étaient mérités, n’en resterait pas moins un admirable écrivain, — que d’un grand problème historique à jamais actuel et passionnant pour nous. De l’effort tenté par M. France pour dénier à Jeanne d’Arc toute action effective dans l’affranchissement de notre pays, comme pour nous représenter la Pucelle sous les traits d’une « béguine hallucinée, » inconsciemment soumise à la direction de ses confesseurs, M. Andrew Lang nous affirme, pièces en main, que l’histoire n’a pas à tenir compte. Quelle que soit, d’autre part, la signification réelle du caractère et du rôle de Jeanne, tout ce que nous en dit M. France n’est qu’hypothèse plus ou moins vraisemblable, libre conjecture de conteur ou de psychologue. Personne, peut-être, n’a plus exactement décrit les circonstances extérieures parmi lesquelles s’est déroulée l’aventure de la Pucelle ; mais, à notre connaissance, de cette aventure elle-même l’auteur de l’Orme du Mail n’ajoute ni n’enlève absolument rien, non plus que, dans sa Thaïs ou dans ses adorables nouvelles italiennes, il n’a rien changé à notre connaissance