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Jusqu’ici tout le drame n’a été que celui de la détresse où se débat la victime d’une imprudence un peu forte. C’est maintenant sur le mari que va se reporter tout l’intérêt. M. Ferioul arrache à un certain Parizot, greffier, confident de sa femme, l’horrible vérité. C’est un homme violent, comme tous ceux dont le rôle a été écrit pour M. Guitry. Emporté par la colère, il va faire un éclat. Il appelle à grands cris sa mère, ses enfans, ses domestiques. Il va leur révéler la honte de sa femme, lorsqu’il se ravise, invente une histoire à dormir debout pour expliquer la soudaine convocation de ce conseil de famille. Il feindra d’ignorer.

Au dernier acte, Mme Ferioul étant revenue de Paris, il tente de prolonger la comédie de l’ignorance. Mais il la joue mal. La femme coupable comprend que son mari est instruit de tout. Elle profère des prières incohérentes. Lui commence un long discours où il est parlé de souffrance, de colère, d’arrangemens, de pardon possible dans un avenir éloigné… Pendant ce discours, Mme Ferioul s’est endormie. — Il s’en faut que cette pièce soit au nombre des meilleures de M. Henry Bataille. Comme M. Bernstein, M. Bataille est fort bien doué pour le théâtre. Comme M. Bernstein, il affecte de gâcher ses qualités. Nous nous évertuons vainement à rappeler ces jeunes auteurs à une observation plus soucieuse de la réalité moyenne. Mais ils n’entendent qu’aux sujets d’exception. Ils se condamnent eux-mêmes à une espèce de surenchère. Le Scandale n’est que la mise à la scène d’une situation violente et violemment invraisemblable, où l’auteur a péniblement tiré un fait divers en mélodrame.

M. Guitry et Mme Bady se donnent beaucoup de mal pour nous émouvoir. Il faut leur en savoir gré. Mais pourquoi Mme Bady prononce-t-elle le mot « ignoble » comme s’il s’orthographiait : « innioble ? »


RENE DOUMIC.