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Il ne met pas ici une grande clarté dans ses explications. « Le sujet est délicat, dit-il : je suis un grand ami de la liberté, au point que je la vois presque rejoindre la licence, et j’estime que c’est seulement lorsqu’elle se transforme en tyrannie qu’on doit intervenir et réprimer. » Nous n’en demandons pas davantage, mais le fait-on ? Il est difficile de lire ce passage du discours, sans qu’un doute ironique vienne à l’esprit. « Républicains, dit par exemple M. Briand, vous aurez demain à légiférer sur cette question : « La République peut tout et permet d’accéder à la propriété, et, cette propriété une fois acquise, elle la garantit contre tout pillage. Mais à l’association, quel moyen d’appropriation lui avez-vous donné ? » Nous convenons que le moyen donné à l’association de devenir propriétaire est aujourd’hui insuffisant, ou même qu’il est nul ; mais quand on lui en aura donné un, si on le fait jamais, nous souhaitons qu’on entoure la propriété nouvelle de garanties qui manquent à d’autres. Il arrive à des ouvriers, à force de travail et d’économie, d’accéder à la propriété ; la République le « permet, » comme dit M. Briand ; mais cette propriété une fois acquise, est-il vrai qu’elle la garantisse contre tout pillage ? Allez le demander à Méru et à Hazebrouck. Vous verrez là des maisons saccagées, parce que la licence s’y est transformée en tyrannie, et que les gendarmes chargés de les protéger sont arrivés trop tard, comme des carabiniers fameux. Voilà ce que le gouvernement actuel sait faire pour garantir la liberté et la propriété des citoyens.

Quant aux fonctionnaires, M. Briand promet la même sécurité à leurs associations quand elles seront devenues propriétaires, et il leur annonce en outre, en termes d’ailleurs très vagues, un statut destiné à leur assurer un autre genre de sécurité, celle qui les garantira des abus du parlementarisme. Ces abus, M. Briand les reconnaît, oh ! combien doucement ! Après avoir rappelé que la République a fait pour les fonctionnaires plus que tous les régimes antérieurs, — ce qui n’empêche pas que, par une anomalie bizarre, ils ne se plaignaient pas des régimes antérieurs, tandis qu’ils se révoltent contre la seule République, — M. Briand fait un aveu. « Je conviens, dit-il, qu’ils peuvent avoir des griefs légitimes à faire valoir. Le régime parlementaire n’est peut-être pas parfait. Il y a certains usages de leur mandat que les députés pourraient ne pas faire. Prêts à franchir le seuil d’un ministère, dans un sentiment de protection électorale, les députés devraient avoir la force de se dire : « Non, je ne ferai pas cette démarche, et si celui qui me l’a demandée me pose une question, j’expliquerai mon abstention par des raisons qu’il n’aura pas