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devant nous. La musique seule de la chevauchée des Walkyries défie et dépasse de très haut toute mise en scène. Où pourrions-nous voir, entendre Siegfried aussi grand que le figure à notre imagination l’épisode de la « traversée du feu, » ou que la marche funèbre de la Götterdämmerung le rappelle à notre souvenir ! On dit la « marche, » mais c’est l’oraison funèbre qu’on devrait dire. Voilà peut-être le triomphe de la symphonie au théâtre, de la symphonie reprenant à grands traits et comme en un prodigieux raccourci, la vie et la fortune d’un personnage d’épopée.


Oh ! va, nous te ferons de belles funérailles !


Dans l’histoire du drame musical, je n’en sais pas de plus belles. Le héros qui n’est plus survit, revit tout entier dans les sons. Rien de lui n’est oublié ; que dis-je ! tout de lui se transfigure et s’immortalise. Voici toute sa carrière et tout son destin, la gloire de son origine, les rêves de sa jeunesse et les exploits de sa maturité, tous les fastes de sa gloire et jusqu’au tragique éclat de sa ruine. Il est mort, et la symphonie, qui jamais ne l’abandonna vivant, le suit au-delà du trépas, le garde et le consacre. C’est le cas de répéter, et de reprendre pour devise d’une époque et d’une forme d’art, le vieux mot, si souvent cité, du moyen âge : Symphonialis est anima. La symphonie est l’âme du drame wagnérien, et l’âme délivrée des héros de Wagner demeure, à jamais, symphonie.


III

Est-ce à dire que l’opéra symphonique ait fixé pour toujours le type de l’opéra ? Non sans doute, et les paroles d’un Wagner même passeront. Chez nous, après avoir longtemps refusé de les entendre, on les a reçues et tenues, longtemps aussi, pour paroles d’Évangile. Parmi les musiciens de France, et non les moindres, d’aucuns se sont fait gloire d’obéir au commandement nouveau. Telle page, sinon tel chapitre de l’histoire contemporaine de notre art, semblerait copiée, ou traduite au moins, de l’allemand. Depuis quelques années, il semble que nous revenions à nous et que notre organisme élimine le principe, — je ne dis pas le poison, — wagnérien. Des symptômes apparaissent. L’avènement d’une œuvre telle que Pelléas et Mélisande, — à n’en considérer d’ailleurs que la nature et non le