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« … Quelle est cette lueur ?… Est-ce vous que je vois ?
« Êtes-vous là ?… Parlez !… j’ai besoin de vos voix…
« Comme on les entendait, là-bas, sous le grand chêne !…
« Seigneur, ma délivrance est-elle ou non prochaine ?
« Hélas ! je n’entends rien !… Hélas ! Seigneur Jésus,
« Pourquoi, voyant mes maux, ne me parlez-vous plus ?

Christ de Gethsemani, reconnais-tu ta plainte ?
Toi seul pourrais le dire à ta guerrière sainte
Pourquoi ton Dieu, toujours, semble mourir en nous,
Quand nous voyons grandir, pleins d’angoisse, à genoux,
L’ombre sinistre où la trahison se consomme !
Dieu n’est-il donc en nous que notre foi dans l’homme,
Puisque au soir de Judas, toi-même, épouvanté,
Tu t’es senti mourir dans ta divinité ?

Réponds à Jeanne, Christ, consolateur du monde !

Mais elle espère en vain que le ciel lui réponde :
À cause des geôliers, dont le rire est moqueur,
Elle entend mal la voix divine de son cœur.



Jeanne !… La Hire accourt ! Dunois, d’Illiers, Xaintrailles,
Les voici tous, tes grands compagnons de batailles !
La France entière est là, sous ton horrible tour :
On t’arrache à la haine avec des cris d’amour !
Ils sont tous là ! tous ceux qui te suivaient au Sacre,
À Patay, quand ton cœur maudissait le massacre,
À Beaugency, devant Jargeau, dans Orléans…
L’honneur leur fait tenter des exploits de géans ;
Ils ébranlent la tour qui croule en projectiles !
Les héroïsmes vains sont des gloires utiles,
Tous le savent ! Et dans des grondemens de fer,
Jusqu’aux murs de Rouen roulant comme une mer,
Un peuple entier s’y brise en vagues démontées,
Les grandes actions valant d’être tentées…
Mais quoi !… la ville est prise ?… on abaisse le pont ?
— « Ah ! mon Dieu m’entendait : la France me répond ! »