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excellent facteur d’orgues par rapport à la musique : grande justesse dans l’oreille, adresse infinie à accorder ses tuyaux pour en tirer une harmonie merveilleuse, et rien au-delà. »

Vous vous étonnez déjà un peu. Lisez, de grâce, ce qui suit, et vous serez peut-être étonné un peu davantage : « Il est impossible de lire une de ses pièces sérieuses sans éclater de rire à la vue des bizarres imaginations dont elles sont pleines. On dit que Malherbe avait toujours sur sa table un Ronsard dont il avait effacé la moitié de sa main. Si j’avais le loisir d’avoir toujours un Malherbe sur ma table, j’en effacerais les trois quarts. »

Ce qu’il y a de bien remarquable dans ce jugement inattendu, c’est que Valincour condamne Malherbe en sens inverse de la manière dont nous l’improuverions. « Un peu froid, Malherbe, dirions-nous ; bon musicien ; mais peu d’imagination et imagination trop contenue et trop sage. » Pour Valincour, Malherbe est un homme à imaginations bizarres ; c’est un romantique effaré ; c’est un détraqué. Oh ! comme on est toujours le romantique de quelqu’un ! Évidemment, dans cette école de 1660, Valincour est à l’extrême-droite, comme La Bruyère, qui fait le parallèle de Malherbe et de Théophile, et qui marque, non pas une préférence, mais beaucoup d’estime pour Théophile, est à la gauche.

Ce qui reste l’essentiel dans l’œuvre critique de Valincour, c’est son examen de la Princesse de Clèves. Il parut en 1678 sous ce titre : Lettres à la marquise de… sur « la Princesse de Clèves. » Sans nom d’auteur. Il fut immédiatement attribué au Père Bouhours, le grand critique du temps, l’auteur des célèbres Entretiens d’Ariste et d’Eugène, cet homme dont Mme de Sévigné disait : « L’esprit lui sort de tous les côtés. » Corbinelli écrivait le 18 septembre 1678 à Bussy-Rabutin :

« J’ai lu vos réflexions sur la Princesse de Clèves… Que dites-vous de la critique qu’en a faite le Père Bouhours ? » Mme de Sévigné écrit le même jour au même Bussy : « J’ai trouvé la critique du Père Bouhours fort plaisante. » Le comte de Bussy répondait le 27 septembre : « J’étais assez content de mes réflexions sur la Princesse de Clèves [on n’en doute pas. ]… Je ne sais pas si la critique imprimée est du Père Bouhours ; mais je l’ai trouvée admirable… Mandez-moi s’il est bien vrai que ce soit le Père Bouhours qui ait fait la critique de la Princesse de Clèves ; car je l’en aimerais davantage. » Mme de Sévigné