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commune que, dans un moment critique, la République Argentine a proclamé l’impropriété du recouvrement, par la force, des dettes publiques par les nations européennes, non comme un principe abstrait de valeur académique ou comme une règle légale d’application universelle en dehors de ce continent, mais comme un principe de diplomatie américaine qui, fondé sur l’équité et la justice, a pour objet exclusif d’épargner aux peuples de ce continent les calamités de la conquête déguisée par le masque des interventions financières, de la même façon que la politique traditionnelle des Etats-Unis, sans témoigner de supériorité ou chercher la prédominance, a condamné l’oppression des peuples de cette partie du monde et la domination de leurs destinées par les grandes puissances de l’Europe. Les rêves et les utopies de la veille sont la réalité et les lieux communs du lendemain, et le principe proclamé par la République Argentine sera reconnu tôt ou tard. » « Les Etats-Unis d’Amérique, — répondit M. Root, — n’ont jamais trouvé convenable d’employer leur armée et leur marine pour assurer le recouvrement des dettes contractuelles ordinaires de gouvernemens étrangers envers leurs citoyens… Nous regardons le recours à l’armée et à la marine d’une grande puissance pour contraindre une puissance plus faible à remplir un contrat conclu avec un individu privé, à la fois comme une invitation à spéculer sur les nécessités des pays faibles et qui luttent pour progresser, et un empiétement sur la souveraineté de ces pays. Nous sommes opposés, actuellement comme autrefois, à cet usage, et nous croyons que, sinon aujourd’hui ni demain, du moins dans l’avenir, par suite des changemens d’opinion qu’apporte le temps avec lui, ce principe sera reconnu par le reste du monde. »


Dès le lendemain de la séance inaugurale de la conférence, les délégués s’étaient mis au travail. Les précédentes réunions avaient été gênées, plutôt qu’aidées, par l’ampleur des questions dont elles avaient dû s’occuper. Cette fois, le programme des travaux était plus limité. On ne se proposait pas d’étonner le monde par des résolutions extraordinaires ; on se bornait à vouloir faire œuvre utile sur quelques points. « On ne doit pas s’attendre, — disaient les instructions des délégués américains, — à ce que la conférence aboutira à quelques résultats bruyans ou capables d’exciter l’étonnement ; elle aura à traiter des questions