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gouvernement. Les révolutions qui se sont succédé presque sans discontinuer, jusqu’à ces dernières années, dans les Républiques latines, et dont certaines d’entre elles sont encore la proie, leur ont inspiré pour ces nations un dédain mal dissimulé. Il leur paraissait qu’une tutelle serait nécessaire pour assurer à ces peuples les bienfaits de la paix.

Les circonstances n’ont pas encore permis aux Etats-Unis de remplir ce rôle qu’ils jugent glorieux et profitable à la fois. Absorbés par leurs progrès personnels, ce n’est que depuis peu qu’il leur est possible d’avoir une politique extérieure active et de s’appliquer enfin à la réalisation de ces vastes projets. Durant leur période d’inaction forcée, cependant, les Républiques sud-américaines ont fait des progrès. Le Chili, l’Argentine, le Brésil ont réussi à surmonter seuls les troubles au milieu desquels ils se sont débattus pendant la première période de leur croissance. Une ère nouvelle s’est ouverte pour ces pays. Les capitaux du Vieux Monde reprenant confiance ont cessé de se refuser, et quelques courans de l’immigration européenne ont dérivé vers eux. Avec de l’argent et des bras, les seules choses qui leur fassent défaut, favorisés comme ils sont au point de vue des richesses naturelles, un développement rapide leur est assuré. Mais cette situation heureuse rend singulièrement plus pressante la réalisation du dessein que poursuivent les Etats-Unis. Il importe pour eux d’agir vite, sous peine de voir ces jeunes nations échapper à leur influence, et de voir se développer dans l’Amérique du Sud un esprit particulariste qui pourrait menacer la bonne entente dans le Nouveau-Monde. L’activité est d’autant plus nécessaire que les nations européennes, usant de leurs relations déjà anciennes avec ces pays, s’efforcent de profiter de leur essor et de consolider et développer leurs rapports commerciaux avec eux. « Dire que nous sommes arrivés à un moment critique pour le prestige et le commerce nord-américains dans l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, — disait, il y a peu de temps, M. John Barrett, diplomate américain qui a pendant plusieurs années représenté son pays dans ces régions, — n’est pas l’affirmation d’un alarmiste ou d’un pessimiste. Jamais les nations d’Europe n’ont fait un tel effort qu’à l’heure actuelle pour développer leur commerce et leur prestige dans ces pays. Il serait, en outre, inutile de nier qu’une portion considérable de l’Amérique latine manifeste aujourd’hui une beaucoup plus grande