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refus de revêtir d’une forme officielle une approbation toute privée, ni même le refus de recevoir et d’entendre notre ambassadeur. Nous nous révoltions contre ce refus d’audience uniquement parce qu’il était devenu un outrage palpable par la divulgation du télégramme affiché dans les rues, adressé aux légations et aux journaux. En d’autres termes, notre Déclaration n’était qu’une réponse au soufflet de la dépêche d’Ems, réponse que l’Allemagne elle-même semblait nous conseiller en l’attendant comme inévitable.

Aux mots qui la terminaient, l’Empereur battit des mains. Chevandier demanda la parole et dit : « Ayant été jusqu’à ce jour un de ceux qui se sont le plus énergiquement prononcés en faveur de la paix, je demande à exprimer le premier mon avis. Lorsqu’on me donne un soufflet, sans examiner si je sais plus ou moins bien me battre, je le rends. Je vote pour la guerre. » Le tour de Segris venu, il se retourna vers Le Bœuf et lui dit d’une voix altérée par l’émotion : « Maréchal, vous voyez mes angoisses ; je ne vous demande pas si nous sommes prêts, mais si nous avons des chances de vaincre. » Le maréchal répondit que nous étions prêts et que nous ne serions jamais en meilleure situation pour vider notre différend avec la Prusse, que nous pouvions avoir confiance. Personne ne souleva d’objections et ne soutint la possibilité de la paix. Depuis, les écrivains de la Droite ont prétendu que l’Empereur aurait ouvert la délibération en disant que, souverain constitutionnel, il ne voulait peser en rien sur les décisions de son Cabinet, qu’il se serait même abstenu de voter et que la guerre ne fut décidée qu’à une voix de majorité. L’Empereur ne fit pas cette déclaration saugrenue, et la guerre fut votée à l’unanimité, y compris sa voix. Seule l’Impératrice n’exprima aucune opinion et ne vota pas.

L’Empereur se retrouva, à ce dernier moment de la crise, ce qu’il avait été depuis le commencement : regrettant les gloires de la guerre dès que la paix prévalait et se rejetant vers la paix avec effroi dès que la guerre s’imposait. Tandis que nous nous rendions au Corps législatif, il recevait Witzthum, le ministre autrichien à Bruxelles, en route vers Vienne, et il lui demandait d’obtenir de son souverain qu’il prît l’initiative d’un Congrès, afin d’éviter la guerre.