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Et dit : « Je suis la nef Argo ! »
Par des ruisseaux couleur de jade,
Dans des senteurs de mimosa,
La fontaine arabe s’évade,
Au palais roux de la Ziza.
Dans le chaud bassin du Musée,
Les verts papyrus, s’effilant,
Suspendent leur fraîche fusée
A l’azur sourd et pantelant.
O douceur de rêver, d’attendre
Dans ce cloître aux loisirs altiers
Où la vie est inerte et tendre
Comme un repos sous les dattiers !
— Catane où la lune d’albâtre
Fait bondir la chèvre angora,
Compagne amoureuse du pâtre
Sur la montagne des cédrats !
Derrière des rideaux de perles,
Chez les beaux marchands indolens,
Des monceaux de fraises déferlent
Au bord luisant des vases blancs.
Quels soupirs, quand le soir dépose
Dans l’ombre un surcroît de chaleur !
L’œillet comme une pomme rose
Laisse pendre sa lourde fleur.
L’emportement de l’azur brise
Le chaud vitrail des cabarets
Où le sorbet, comme une brise,
Circule, aromatique et frais.
La foule adolescente rôde
Dans ces nuits de soufre et de feu ;
Les éventails dans les mains chaudes
Battent comme un cœur langoureux.
— Blanc sommeil que l’été surmonte :
Des fleurs, la mer calme, un berger ;
O silence de Sélinonte
Dans l’espace immense et léger !
Un soir, lorsque la lune argenté
Les temples dans les amandiers,
J’ai ramassé près d’Agrigente