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copie de la dépêche en clair du prince Antoine à Olozaga. Il n’accueillit pas la nouvelle avec la même joie que moi. Je n’y avais vu que la disparition de la candidature, me préoccupant peu de la manière dont elle avait disparu ; lui s’arrêta surtout à la forme et, dans la notification directe faite par le prince Antoine à Prim, il vit l’escamotage de cette participation indirecte du Roi. A partir de ce moment, cessa l’accord complet qui avait existé entre nous : il continua à attacher une importance majeure à cette participation du Roi, qui devint secondaire à mes yeux.

Ce fait nouveau venait de lui être révélé quand Werther se présenta à son audience (3 heures moins le quart). Au moment de commencer l’entretien, on remit à Gramont un billet d’Olozaga demandant avec insistance d’être reçu immédiatement pour une communication de la plus haute importance. Werther voulut bien passer dans un salon voisin et autoriser Gramont à recevoir Olozaga. L’ambassadeur espagnol, en montrant à Gramont le télégramme du prince Antoine, le félicita de cette solution. Gramont répondit froidement à ces félicitations : sous cette forme, selon lui, le désistement, loin d’avancer nos affaires, les compliquait : pas un mot de la France, pas un mot de la Prusse, tout se passait entre le prince de Hohenzollern et l’Espagne ; le texte de la dépêche froisserait le sentiment public : il semblait admettre que la France avait porté atteinte par ses réclamations à l’indépendance du peuple espagnol.

Plongé dans ces préoccupations il reprit l’entretien avec Werther. Il essaya d’obtenir de lui l’aveu que le Roi n’avait pas été étranger au désistement : la situation alors se redressait d’elle-même ; il aurait pu faire, sans être contredit, la déclaration dont l’Empereur sentait la nécessité. Mais Werther ne se prêta pas à l’artifice : il contesta, sur un ton qui n’admettait pas de doute, « que la renonciation émanait certainement de la propre initiative du prince Léopold. » Et il recommença cette perpétuelle argutie dont nos lecteurs doivent être excédés, sur la distinction entre le souverain et le chef de famille, sur l’impossibilité pour le Roi de refuser son approbation du moment que le prince acceptait la couronne, sur la conviction du Roi que, eu égard aux liens de famille des Hohenzollern avec Napoléon III, cette candidature ne pouvait être désagréable à la France. Gramont réfuta patiemment les sophismes de la