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l’humanité. Cette transformation est sans doute très avantageuse pour les propriétaires dont les immeubles se louent bien et facilement ; mais pour les voyageurs, c’est une déception. La cathédrale dédiée à San Nicolas avec sa façade de style baroque, surchargée d’ornemens, ne mérite aucune attention. L’ancien palais des ducs de Vallombrosa, vendu depuis peu d’années à la municipalité, a été transformé en hôtel de ville. Je passe sous silence les palais Giordano et Provincial. En résumé, sans le très aimable accueil que le voyageur reçoit à Sassari, la visite de cette ville serait à négliger.

L’aspect général de la Sardaigne est triste, si l’on en excepte le Sud et certaines parties dans le massif de Gennargentu. Une des raisons principales de la monotonie des paysages est l’absence à peu près complète de forêts. Depuis des siècles, les troupeaux parcourent les jeunes bois, rongent les pousses, et les hommes, avec cette aversion instinctive de l’habitant des pays du Midi pour les arbres, ont achevé le reste en brûlant et en coupant tout ce qu’ils pouvaient détruire. L’année dernière encore, j’ai mesuré de nombreux chênes échappés par hasard au feu, à la hache, et, parmi les plus beaux, beaucoup mesuraient de 6 à 7 mètres de tour à 1m, 50 au-dessus du sol ; c’est assez dire ce que serait la végétation, si elle n’était pas aussi cruellement maltraitée.

En consultant les statistiques, nous trouvons cependant une certaine superficie de l’île considérée comme étant boisée, mais ce titre n’est qu’un leurre, car sous cette rubrique sont compris tous les terrains incultes envahis par le maquis, composé d’arbousiers, de cistes, de lentisques, arbustes bas, rabougris, et encore ce maquis, incendié régulièrement par les bergers, est-il en voie de disparition.

Pour ainsi dire partout, on ne rencontre que de vastes espaces rocailleux, arides, des collines ou des montagnes pelées n’ayant un aspect souriant que pendant très peu de semaines de l’année : au printemps, à l’époque où l’asphodèle, les soucis sauvages, les marguerites et d’autres plantes sont en fleurs et couvrent la terre d’un tapis multicolore. Les grandes bruyères arborescentes, hautes de 2 à 3 mètres, blanches de fleurs au commencement d’avril, s’en vont, elles aussi, comme le reste.