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presque chaque homme a conservé au fond de lui-même, malgré un état de civilisation surchauffée, beaucoup des instincts de ses pères, alors que ceux-ci, il y a quelques milliers d’années, parcouraient les forêts et les prairies incultes à la recherche du gibier sauvage.

A un âge géologique encore mal déterminé, non seulement la Sardaigne et la Corse étaient unies par l’isthme, maintenant détroit de Bonifacio, mais elles ne faisaient qu’un avec le continent. Au Nord, à l’Est de la Corse, peut-être même entre la Sardaigne et l’Italie, il y a des hauts-fonds qui ne sont que les restes d’un ancien et vaste plateau affaissé sous la Méditerranée. Les îles de Monte-Cristo, de Pianosa, d’Elbe, Piombino, ne seraient, semble-t-il, que les témoins de cette terre aujourd’hui disparue.

La sonde a révélé près de Menton, de Vintimille, la continuation sous la mer de lits de nombreux cours d’eau. Et quand le prince de Monaco aura publié ses beaux travaux d’océanographie sur cette partie de la Méditerranée, peut-être serons-nous mieux fixés relativement à l’époque de la séparation entre les deux grandes îles, la France et l’Italie.

Dans tous les cas, la présence en Corse et en Sardaigne du mouflon, du cerf et du sanglier parait indiquer que, dans la première partie du quaternaire, l’interruption des communications ne s’était pas encore effectuée. Les mouflons de ces îles sont les mêmes que ceux dont nous retrouvons les ossemens dans les Alpes, le cerf est le cerf rouge commun à toute l’Europe et au nord de l’Afrique. Je laisse de côté le sanglier, des cochons domestiques mis en liberté pouvant redevenir sangliers au bout d’un nombre indéterminé de générations. Ceux des Sandwich en sont un exemple. M. le professeur Lovisato de Cagliari, s’appuyant sur plusieurs faits, entre autres l’existence en Toscane d’un petit lièvre, le Prologus Sardus qui s’éteint là dans le miocène supérieur, et se continue en Sardaigne jusque dans le quaternaire, reporte la séparation au tertiaire, ce qui semble bien trop éloigné pour les raisons d’histoire naturelle que nous venons de donner plus haut. Du reste le récent désastre de Messine montre bien que, dans le voisinage de cette partie du bassin de la Méditerranée, le lent travail d’effondrement progressif se continue encore, car nous savons qu’un tremblement de terre