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n’y avait plus de candidature, de n’y pas persister. C’est ainsi que j’excitais les journaux. Et je tins le même langage à tous ceux que je trouvai sur mon chemin.


IV

Au sortir des Tuileries, l’Empereur était calme et apaisé. L’aide de camp de service qui l’accompagnait, Bourbaki, lui dit : « Faudra-t-il, Sire, faire seller mes chevaux de guerre ? — Pas si vite, général, répond l’Empereur ; supposez qu’une île surgisse tout à coup entre la France et l’Espagne : toutes deux se la disputent ; elle disparaît ; sur quoi continuerait-on à se quereller ? » Cependant l’Empereur est impressionné par les acclamations exceptionnelles élevées sur son passage et qui sont évidemment une incitation belliqueuse. A Saint-Cloud, il tombe dans un milieu encore plus excité. A la Cour, dominaient la Droite et le parti de la guerre : on n’y entendait de protestations que de la part de l’écuyer Bachon : « Je ne comprends pas, disait-il, qu’on songea la guerre quand on ne peut plus se tenir à cheval. » On lui faisait froide mine. L’Impératrice convaincue, elle aussi, que la France était malade depuis Sadowa, s’était mise, après l’abattement passager signalé par le maréchal Vaillant, à écouter volontiers ce parti qui lui donnait des promesses de victoire. Le général Bourbaki, bon juge en matière de bravoure et de combat, connaissant à fond l’armée prussienne, lui prodiguait les assurances encourageantes : « Sur dix chances, lui disait-il, nous en avons huit. » Le plébiscite avait mis hors de toute atteinte la solidité de la dynastie, mais il n’avait pas rétabli la prépondérance de la France. Si la guerre n’était plus un intérêt dynastique, elle restait un intérêt national, et l’Impératrice croyait qu’il était du devoir de l’Empereur de relever notre prestige, d’autant plus qu’on ne pourrait plus le soupçonner d’être mû par une pensée personnelle. A son arrivée, elle accourt l’interroger : « Eh bien ! cela paraît fini. » Les visages s’assombrissent. L’Empereur s’explique. On l’écoute avec incrédulité, et on lui répète le mot courant : « Le pays ne sera pas satisfait. » Lorsque la nouvelle se répand dans le personnel du château, le mécontentement éclate comme au Corps législatif : — « L’Empire est perdu ! » s’exclame-t-on de toutes parts. « C’est une honte ! s’écrie l’Impératrice, l’Empire va tomber en quenouille. » Le général