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des âmes. Nous l’avons salué, en entrant, le premier des maîtres qui triomphent ici. C’est encore lui, qu’en sortant de cette fête, nous invoquerons.

Nous l’invoquerons d’autant plus, que le temps est, pour nos belles contemporaines, victimes des peintres de notre époque, la seule raison d’espérer. — Vos portraits ne sont point beaux, leur dirons-nous ; ils sont même parfois assez vilains. Et c’est une injustice, car il passe tous les jours, devant cette terrasse, dans ce fleuve de voitures qui coule, ininterrompu, entre les chevaux de Coustou, plus de beautés que n’en ont jamais connu Drouais ou La Tour, Hoppner ou Gainsborough. Tel maître vous fait ressembler à des serpens ; tel autre à des figures de cire ; tel autre vide vos veines de tout leur sang : tel, enfin, projette sur vous les reflets de tant de choses diverses que nul n’y retrouve ce qu’il aime en vous. Mais ce serait trop, en vérité, que la même époque eût, à la fois, la beauté des figures réelles et celle des images. Ce dernier don est réservé à d’autres. Vos portraits ne sont point beaux, mais peut-être ils le deviendront. Laissons-y travailler le grand maître des peintres et des cœurs. Le Temps approche avec ses pinceaux chargés d’ombre, d’indifférence et d’oubli. Vos images ne sauraient pas plus échapper à ses bienfaits que vous-mêmes à ses maléfices. Il prépare pour des milliers d’yeux qui ne sont pas encore ouverts des fêtes que les yeux vivans ne peuvent soupçonner encore. Il mettra sur les visages que nous vîmes les masques que verront vos arrière-petits-enfans


ROBERT DE LA SIZERANNE.