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projet relatives à la discipline : on sait pourquoi elles nous semblent ne pas avoir un intérêt aussi actuel. Contentons-nous de dire que, en cas de grève, toutes les garanties énumérées par la loi seront suspendues. Disposition rigoureuse, mais nécessaire, et qui mérite une pleine approbation. La grève des fonctionnaires étant illégale, ceux qui y recourent se mettent eux-mêmes en dehors de la loi ; ils ne peuvent donc plus en invoquer à leur profit les prescriptions. Sur le titre II du projet, qui est relatif aux associations de fonctionnaires, nous réservons notre opinion.

Le gouvernement a senti qu’il y avait pour lui une nécessité parlementaire à déposer ce projet de loi. Quelle est d’ailleurs sa situation au moment où les Chambres reprennent leurs travaux ? Aucun danger immédiat ne semble le menacer. Il avait éprouvé un échec en mars, dans la première grève des postes, son autorité morale en avait été affaiblie. Elle ne l’avait pas été seulement au dedans, mais encore au dehors, où, par un phénomène de mirage sui generis, on voit les choses dans un lointain qui les grossit, au lieu de les atténuer. La tendance, au dehors, est à nous croire encore plus malades que nous ne le sommes, peut-être par une vue incomplète des choses, — on ne voit pas les forces latentes qui, dans les milieux sains du pays, font compensation à nos misères, — peut-être aussi par une bienveillance qui est quelquefois insuffisante. Mais, pour en revenir au gouvernement, s’il a eu un échec il y a deux mois, son succès d’hier rétablit l’équilibre à son avantage. En dépit de la mauvaise humeur qu’il rencontre dans la Chambre, et qu’il a l’air par moment de s’appliquer à braver, il reste en place, parce qu’on continue à ne pas savoir par quoi, ou par qui on le remplacerait. Et pourtant que d’incohérence dans sa manière de gouverner, que de contradictions, que de lacunes ! M. Poincaré, dans un discours récent, prononcé à Bar-le-Duc, demandait au gouvernement de gouverner, à l’administration d’administrer, au Parlement de légiférer, au lieu d’empiéter les uns sur les autres et de faire mal chacun le métier du voisin. Le Parlement veut gouverner à la place du gouvernement ; il veut même administrer d’une manière indirecte, en imposant le choix et l’avancement des fonctionnaires. Les fonctionnaires aussi ont des velléités de gouverner. Il n’y a que le gouvernement qui se résigne à n’en rien faire. Si on veut savoir ce qui en résulte, on n’a qu’à attendre quelques semaines encore le résultat de l’enquête sur la marine : et, si l’enquête portait sur une autre administration, on y trouverait à peu de chose près le même désordre. La décomposition est partout. M. Poincaré a fort bien reconnu le mal ; il