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LA VEILLÉE


Venez. Je vous promets pour réjouir vos yeux
La lampe familière et le foyer joyeux
Où la pomme de pin vivement allumée
Craque et pétille en flamme à travers la fumée.
Les volets seront clos. La porte sur vos pas
Se fermera pour que les fâcheux n’entrent pas ;
Et, si l’un, cependant, comme une ombre importune,
Soudain, entre nous deux, se montrait par fortune,
Je prendrais cet éclat de marbre, d’un fronton
Tombé, et recueilli devant le Parthénon,
Et qui repose là sur le coin de ma table,
Et j’en lapiderais ce spectre détestable.

Car, ce soir, nous voulons, graves, seuls et pieux,
Parler en liberté des héros et des dieux
Et nous ressouvenir de la Grèce immortelle
En redisant tout haut ce que nous savons d’elle.
Tous deux, n’avons-nous pas foulé son sol sacré
Et vu dans l’air divin au couchant empourpré
Ou dans le ciel plus clair et que l’aurore teinte,
Le soleil se lever ou mourir sur Corinthe ?

C’est pourquoi, tout un soir, alternativement,
Tandis que brûleront la pomme et le sarment,
Tour à tour, et pareils à des Bergers d’églogue,
Nos voix répéteront l’éternel dialogue
Auquel, de siècle en siècle, un même écho répond
Et qui chante l’honneur de la Terre au beau nom ;
Et, chacun, évoquant du fond de sa mémoire
Des images de paix, d’héroïsme et de gloire,
L’un vantera le temple et l’autre la cité,
La montagne neigeuse et le golfe argenté ;
Et nous célébrerons la lumière qui dore
Les marbres d’Eleusis, d’Égine et d’Epidaure.