Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Libre, « Nez de veau » était en train de se débrouiller, comme par le passé, du côté du quartier Saint-Médard. L’inspecteur s’empara de lui et l’amena à Me Rollet qui le fit aussitôt partir pour une colonie agricole. Tout d’abord les champs, les arbres, la rivière ravirent ce malheureux petit Parisien. Mais la nostalgie de la rue, du « zinc, » du faubourg, finit par le prendre. Il se sauva. Arrêté encore, il est aujourd’hui en correction. Seule, évidemment, la maison de correction pourra venir à bout d’une nature si profondément pervertie : la liberté surveillée n’est pas faite pour « Nez de veau » et ses pareils.

L’autre cas présente comme par contraste une réussite inespérée. Le petit G…, Breton d’origine, travaillait dans un cirque qui s’était établi dans la banlieue. L’enfant se rappela qu’il avait une parente, rue du Faubourg-Montmartre. Il voulut la voir : accompagné d’un camarade, il vint à Paris, mais, par erreur, se rendit rue Montmartre. Il monta dans la maison dont il avait le numéro, chercha à tous les logemens, ne trouva rien. Quand il descendit, son camarade, las d’attendre, était parti. L’enfant ne savait pas lire : il ne connaissait point Paris : il erra tout un jour, complètement perdu ; enfin, n’en pouvant plus, il entra dans un commissariat. Quand il comparut devant le tribunal, Me Rollet, qui l’avait vu à la Petite-Roquette et que cette aventure avait touché, le prit en liberté surveillée. La mesure réussit fort bien. Après quelque temps, on fit mieux encore. L’enfant avait le goût de la mer ; on l’engagea sur un bateau. Il s’y comporta de telle manière qu’il a aujourd’hui des galons. C’est à la liberté surveillée, où il commença de se refaire et de se très bien conduire, qu’il doit ces résultats : il le sait, et il en garde au Patronage la plus affectueuse reconnaissance.

Au début, le Patronage de l’enfance et le tribunal firent quelques essais aventureux dans le genre de celui de « Nez de veau. » Mais l’expérience leur vint très vite, et si l’on considère les résultats des trois années écoulées, on ne peut qu’être satisfait. Dans ces trois ans, 369 enfans ont été mis en liberté surveillée. Or le nombre des échecs ne dépasse pas 111 : cela ne fait qu’une proportion de 23 p. 100. Tout le reste, les 250 autres, placés à la campagne, engagés dans l’armée de terre ou de mer, vivant dans leur famille, ont tiré de la liberté surveillée tout le profit possible : ils sont sauvés. Il fallait démontrer qu’en France, comme aux Etats-Unis, comme en Angleterre, cette mesure