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modifier, sans nouveau délit, une liberté dont il ne saurait pas profiter.

C’est dans le même ordre d’idées, et pour donner à ce président un rôle étendu, que M. Deschanel propose, de lui transférer les pouvoirs qui appartiennent au président du tribunal civil, quant à l’internement par voie de correction paternelle. Le droit du père de famille est aujourd’hui assez vivement attaqué. Il existe et existera sans doute encore longtemps. Dès lors, n’est-il pas logique de dire que le président du Tribunal pour enfans en aura le contrôle ? On a objecté ici que ce changement encouragerait les parens à réclamer plus souvent la correction. Le contraire paraît probable. Le président du Tribunal de la Seine, de même que tous ses collègues des grandes villes, est surchargé de travail. Remettre une de ses fonctions les plus délicates au président de la Chambre des enfans, c’est donner aux mineurs une garantie de plus que la requête de leurs parens fera l’objet d’un examen attentif.

M. Deschanel enfin, poursuivant son œuvre de consolidation, propose de donner force de loi à une pratique aujourd’hui constante à la 8e Chambre. L’âge de la majorité pénale est de dix-huit ans ; jusqu’à dix-huit ans, l’enfant peut agir avec ou sans discernement, être condamné ou acquitté. Mais il est bien évident que cette longue minorité se divise elle-même en deux temps : celui qui précède l’âge de treize ans, celui qui vient après. Parler de discernement, de responsabilité, de condamnation pour un enfant au-dessous de treize ans, c’est un non-sens ; cet enfant ne devrait pas être « poursuivi, » au sens de ce mot dans la loi pénale, et il arrive que les commissaires de police, hésitant en effet à le poursuivre, le relâchent aussitôt après l’avoir arrêté, ce qui n’est pas non plus une solution satisfaisante. La 8e Chambre a pris le parti d’acquitter toujours le mineur de treize ans, et de le remettre à sa famille, à un patronage ou en liberté surveillée. M. Deschanel impose désormais cette solution : le mineur de treize ans « sera toujours considéré comme ayant agi sans discernement. » Le Tribunal choisira entre les diverses mesures, et le plus souvent sans doute, pour peu que la famille soit honorable, ordonnera la liberté surveillée. Ainsi, dans un cas où il ne peut être question d’une poursuite, ni d’une sanction pénale, il n’y aura en fait ni l’une ni l’autre. Les commissaires n’hésiteront plus à retenir l’enfant qui aura vagabondé ou volé ;