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le 25 novembre 1767[1], tous les intendans de province : « Des dépôts de mendicité seront créés dans toutes les élections, à raison de un au moins par élection. La maréchaussée aura la charge d’y conduire les mendians notoires. » L’intendant prendra le soin de les nourrir de riz, pain et légume. Encore ne faudra-t-il pas que la dépense excède 3 sols et demi par jour et par tête, et que le pain soit trop bien préparé… « Le pain des mendians doit être inférieur à celui des soldats ; il serait dangereux d’établir aucune espèce de similitude entre des citoyens qui doivent faire la gloire de l’Etat et des gens qui en sont l’opprobre. » Cette niaiserie solennelle n’eut pas, semble-t-il, le don d’émouvoir Montyon. Il était encore à Paris, et gouvernait sa généralité par l’intermédiaire de son premier commis M. Jaoul ; il chargea celui-ci de préparer les dépôts existans, de chercher des locaux pour les dépôts nouveaux, et d’embaucher des concierges qui fussent à la fois geôliers et cuisiniers, également versés dans la connaissance des écrous et l’art de préparer le riz aux légumes. La lenteur inhérente aux choses administratives s’en mêla un peu. Si bien qu’au mois de février 1768, le renfermement n’était pas encore commencé[2].

Montyon reçut alors de Laverdy certaine lettre plutôt désagréable. « Il est instant, lui disait-on, que vous vous mettiez en état de recevoir les ordres qui doivent être donnés pour la capture des mendians et vagabonds. Si vous tardiez plus longtemps vous sentez bien que tous ceux que l’on chassera des autres généralités reflueront dans la vôtre[3]. » L’intendant d’Auvergne ne bougea pas : il se contenta de répondre respectueusement, qu’il ne connaissait pas encore assez sa généralité pour renseigner par lui-même M. le contrôleur général, et il attendit, avec sérénité, la réalisation des maux prédits par ce ministre. Malheureusement, soit qu’ils vinssent, en effet, des autres généralités, soit qu’ils fussent autochtones et proprement Auvergnats, les mendians désolaient l’Auvergne. On en trouvait partout, sous le porche des églises, au seuil des hôpitaux, des couvens, et des auberges, dans les foires et marchés, ou bonnement le long des chemins[4]. On en connaissait de sédentaires

  1. Archives du Puy-de-Dôme, C. 1090.
  2. Ibid., C. 1090 et suiv.
  3. Ibid., C. 1090.
  4. Ibid., C. 1098.