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royaume, il avait reçu de Terray une sorte de tract intitulé : le Riz économique de la paroisse de Saint-Roch à Paris ; on y trouvait énumérés les bienfaits de cette œuvre d’assistance, qui « profitait à plus de 800 personnes, dont les portions de riz ne revenaient pas à un sol et nourrissaient chacune un adulte pour sa journée. » On y voyait même un certificat du marquis de Mirabeau attestant que quinze convives ont goûté chez lui du riz économique, « dont il y eut trois essais,… et que tous les trois furent trouvés très bons. » Malheureusement, ces recettes autorisées n’étaient pas applicables dans les montagnes d’Auvergne, « où manquaient la pomme de terre, les carottes, les citrouilles, les navets et du beurre fondu, qui entraient dans le riz économique. » Il fallut donc trouver autre chose. Et c’est merveille de voir Montyon s’ingéniant à découvrir quelque mode de préparation adapté aux circonstances. Il imagine qu’on peut suppléer aux légumes manquans par d’autres légumes, « ou même rien du tout ; » il compose lui-même et fait imprimer un nouveau tract intitulé : Manière d’accommoder le riz de façon qu’avec 10 livres de riz, 10 livres de pain, 10 pintes de lait et 60 pintes d’eau, 70 personnes se sont trouvées nourries parfaitement pendant vingt-quatre heures. Enfin, il exhorte les riches à prêcher d’exemple, en mangeant de ce nouveau brouet : « Il faudrait, écrit-il au subdélégué d’Aurillac, M. Pages de Vixouses, que les principaux citoyens d’Aurillac achetassent du riz chez les marchands et en fissent venir tous les jours sur leurs tables, afin de donner cours à cette denrée et que le peuple la désirât : c’est de tous les alimens le moins cher, le plus nourrissant et le plus sain. »

Dans le même temps, il s’occupait de rechercher et de choisir un travail public, simple, « de pure main-d’œuvre, à l’occasion duquel il ne soit pas payé un sol pour autre chose que le salaire de l’ouvrier, » qui fût accessible même aux enfans et susceptible de secouer le découragement des Auvergnats. Ceux-ci n’avaient jamais passé pour des hommes d’initiative : le chemin du progrès leur était toujours apparu, comme à tous les montagnards, sous l’aspect d’une côte raide, glissante, qu’il fait bon gravir sans hâte et en assurant ses pas. Pour beaucoup, sous l’influence du froid et des privations, l’inaction était devenue une règle de vie ; à Saint-Flour, privés de maisons en maçonnerie, parce qu’ils n’avaient pas eu l’idée de ramasser la pierre à chaux,